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Sommaire


Dix bornes étincelantes sur la voie d'une république fraternelle
Oui, la République peut être fraternelle. Ainsi seulement elle est désirable. Ainsi nous la construirons ensemble. Il est arrivé à la république de dissimuler des dictatures militaires, d'être confisquée par des aristocrates, d'être déployée dans des guerres coloniales, de fermer les yeux lorsque, en son nom, la liberté était écorchée, l'égalité mutilée. C'était en d'autres lieux et en d'autres temps. Ce fut parfois ici, en d'autres temps. Son absence, cependant, fut toujours funeste. Il lui arrive encore d 'être dévergondée par de faux amis ou emmurée dans une ronde sourde aux rumeurs, aux fracas et aux joies du monde. Mais la République peut être fraternelle. Ni frileuse, ni farouche.

1- Embrassant la diversité des origines, des cultures, des croyances, assurant l'égalité des chances à tous les citoyens. République démocratique.

2 - Rétablissant la responsabilité aux côtés de chaque liberté, refusant l'ordre social fondé sur la Peur et recréant le lien civique par l'Éducation, attentive à préserver les services publics de toute pression afin qu'ils soient au service de tous les publics. République laïque.

3 - Rejetant la fatalité de l'exclusion sociale dès la perte d'emploi, soucieuse de garantir à chacun l'accès aux ressources d'une vie décente, le droit au logement, un égal accès aux soins, le droit à une retraite équitable. République solidaire.

4 - Heureuse de la vitalité des territoires qui la composent, consciente que leur identité enrichit le patrimoine commun, reconnaissant aux régions le droit d'organiser leur développement économique et social, leur épanouissement culture ; dans l'Hexagone et Outre-Mer. République forte et généreuse.

5 - Cessant d'être confondue avec l'État, imprégnant de ses principes les Institutions publiques pour que l'État, renforcé dans ses missions essentielles, soit le garant des libertés, de la sécurité intérieure et extérieure, d'une justice égale pour tous, d'une solidarité dans toutes les politiques publiques, d'une parité omniprésente symbolisant la fraternité absolue. République vigilante.

6 - Récusant le désordre, encerclant la violence et l'insécurité par des principes réaffirmés et des conditions rénovées d'Éducation, des ambitions élevées pour l'emploi durable des jeunes, des politiques culturelles qui occupent les espaces de vie et de résidence, favorisent les échanges, la rencontre, le respect mutuel, la démocratie participative dans les quartiers, les cités, les villes, les villages. République exigeante.

7 - Sourcilleuse sur la modernité et l'efficacité des Institutions, insufflant une réforme en faveur d'un régime présidentiel équilibré par un pouvoir législatif fort et indépendant, et par la restitution aux citoyens de pouvoirs de contrôle. République transparente.

8 - Requérant une économie au service de l'Homme, subordonnant la technique et l'économie à la politique et à la culture, protégeant le consommateur, préservant l'environnement sans vénération, alliant liberté d'entreprendre et rapports équitables, faisant aux salariés une juste place dans la décision et la répartition des richesses solidairement créées. République humaine, République sentinelle.

9 - Inspirant l'Europe pour la rendre aux citoyens en la dotant d'une Constitution fédérale, assurant sa vitalité par la reconnaissance et le respect des cultures et identités nationales, prolongeant ses succès économiques et monétaires en réalisant au plus tôt et au mieux, l'Europe sociale. Influençant les échanges internationaux par des règles sur les libertés publiques, des clauses sociales et environnementales, une discipline imposée à la jungle financière, une aide au développement confiée aux organisations internationales plutôt qu'aux survivances d'administrations coloniales, une solidarité internationale. République universelle.

10 - Seule une conception exigeante de la Politique, ouverte à tous, nous permettra de bâtir ensemble cette République fraternelle. C'est l'engagement qui me lie à vous. République universelle.

Christiane TAUBIRA
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Résumé du programme pour l'élection présidentielle
Entretien de Mme Christiane Taubira avec le journal "Le Monde"

Sécurité

J'estime qu'il n'y a pas lieu de renforcer la législation pénale répressive, notamment l'ordonnance de 1945 sur les mineurs. L'insécurité ne baissera que par la solution des problèmes d'urbanisme, d'éducation, d'emploi qui sont en amont et par une réflexion sur les aspects criminogènes des politiques actuelles en matière de toxicomanie. Il convient d'élargir les dispositifs (T.I.G., contrôle judiciaire) de substitution à l'emprisonnement.

Justice

C'est, après l'éducation, la première priorité de l'Etat. Elle doit être traduite en termes budgétaires, spécialement dans les effectifs de magistrats et de personnels administratifs. Toutes les formes de médiation et de régulation non judiciaires doivent être encouragées.

Emploi et croissance

Je dirai, dans cette campagne, que les économies développées sont en mutation vers une culture de l'activité tout le long de la vie, faisant se succéder temps de travail, temps de formation, temps de culture, temps libre. L'activité, sous ses diverses formes doit être favorisée. Le RMI doit devenir un contrat d'insertion/activités. Les emplois jeunes doivent être ouverts aux organismes sans but lucratif et aux PME-PMI qui ont un projet de développement techniquement ou socialement novateur. La lutte contre le sous-emploi doit également s'appuyer sur la réduction des prélèvements obligatoires qui pèsent sur le travail, le soutien à la création et la pérennité des petites entreprises indépendantes, la promotion de l'économie sociale.

Réforme fiscale

Nous devons engager quatre grands chantiers de réforme fiscale : 1/ La fiscalisation du financement de la protection sociale doit être poursuivie, en vue d'alléger les charges pesant sur le travail, notamment par la réforme de l'assiette de la part patronale de ce financement, la valeur ajoutée comptable devant être substituée à la masse salariale.
2/ La fiscalité directe des ménages doit être entièrement réaménagée par intégration de l'IR, de la CSG, de la CRDS et des prélèvements sociaux en un grand impôt personnel et progressif, à assiette élargie et taux modérés.
3/ La fiscalité des sociétés doit être modernisée par substitution à l'actuel impôt territorial d'un impôt mondial sur les sociétés, avec consolidation pour les groupes.
4/ La réforme de la fiscalité locale doit être l'occasion d'un accroissement significatif des compétences locales, notamment pour favoriser la mise en oeuvre de véritables politiques de développement territorial.

Santé

Il est temps de privilégier les politiques de la santé et non celles de la maladie, d'accorder les budgets nécessaires à la prévention, l'hygiène publique, l'éducation, la P.M.I., le dépistage et le planning familial ainsi qu'au soutien à des problèmes majeurs trop délaissés comme le traitement de la douleur, la prévention des suicides et la lutte contre l'exclusion des malades et des handicapés. Je suis très favorable à une revalorisation des statuts et à une amélioration des conditions de travail des personnels hospitaliers ainsi qu'à un renforcement de la médecine scolaire et de la médecine du travail.

Education

Mon option de principe est celle du service public unifié laïque de l'éducation nationale. A court terme, je souhaite l'octroi à tous les établissements scolaires de la personnalité juridique et financière permettant l'association des élus locaux, des enseignants, des familles et des élèves à la gestion effective. Les dotations budgétaires de l'Etat devraient permettre de corriger les inégalités entre établissements. Une régionalisation partielle des programmes est concevable, dès lors qu'est conservé le tronc commun universaliste qui assure l'égalité de formation républicaine et la reconnaissance nationale et internationale des diplômes, permettant la mobilité. Je souhaite l'instauration d'un revenu minimum étudiant (R.M.E.).

Politique familiale

La politique familiale doit prendre en compte les nouvelles attentes citoyennes : insertion des jeunes, solidarité à l'égard des anciens, organisation des temps pour celles et ceux qui travaillent (heures d'ouverture des services publics, des crèches..), prise en considération de l'activité non valorisée qui incombe trop souvent aux femmes, problèmes des familles recomposées, droits des homosexuels, parité entre pères et mères...

Retraites

Les données statistiques sur la vie active imposent une réforme. L'opposition entre le tout-répartition et le tout-assurance me semble dogmatique. Je préconise un système de retraite à trois niveaux : la sécurité (niveau du SMIC) financée par l'impôt. La solidarité (jusqu'à trois fois le SMIC) financée par la répartition universelle. La responsabilité (au-delà) financée par l'assurance-volontaire ; à cette fin, devront être prévus des dispositifs de soutien fiscal à la constitution d'épargne-retraite comparables à celui en vigueur dans la fonction publique.

Citoyenneté et intégration

Citoyenneté et nationalité doivent être découplées : il existe une citoyenneté locale et une citoyenneté européenne. Je suis favorable au vote des étrangers en situation régulière aux élections locales : ceux qui sont soumis à l'impôt doivent pouvoir choisir ceux qui affectent le produit de l'impôt. Je propose la régularisation, en une seule fois, de tous les sans-papiers qui se sont déclarés. Des conventions bilatérales d'aide au développement doivent être conclues avec les pays d'origine de l'immigration.

Affaires et réformes des institutions

Je suis en désaccord avec le lien que ce titre établit entre les " affaires " et les institutions : une société ne se juge pas seulement à sa pathologie. Je plaide, avec les radicaux, pour une VIe République : séparation stricte des pouvoirs, suppression de la censure et de la dissolution, suppression du Premier Ministre, plénitude du pouvoir législatif au Parlement, indépendance, impartialité et responsabilité de la justice. Il y a lieu aussi de restituer du pouvoir aux citoyens par des mécanismes d'initiative législative civique et de saisine du Conseil constitutionnel par voie d'exception.

Corse, Etat et collectivités locales

La République doit cesser d'être confondue avec l'Etat et imprégner de ses principes toutes ses collectivités territoriales, dont les identités doivent être reconnues et les compétences renforcées. Comme dans la plupart des pays d'Europe, toutes les régions de France doivent recevoir les moyens juridiques de conduire des politiques de développement territorial et de préserver leur patrimoine, y compris au moyen de délégations de compétence de la part du législateur ; la révision de l'article 34 de la Constitution devra le permettre.

Europe

Je suis résolument fédéraliste. Je propose donc l'élaboration par une assemblée parlementaire (P.E + Parlements nationaux) et la ratification populaire d'une Constitution de l'Europe fédérale, établissant une claire répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres. Les politiques communes doivent être développées avec vigueur, afin que l'Europe ne soit pas seulement un marché, mais aussi un espace de cohésion sociale et territoriale, de solidarité et de rayonnement multiculturel.

Affaires étrangères et Défense

De nouveaux progrès doivent être accomplis en vue de la définition et du déploiement d'une politique étrangère et de sécurité commune de l'Union Européenne. L'absence de l'Europe au Proche-Orient ou dans les Balkans plaide en ce sens. L'Etat doit disposer de moyens renforcés pour contribuer à la démarche européenne commune, mais aussi pour mieux assurer le rayonnement économique et culturel de la France dans le monde.

Mondialisation et régulation

La libéralisation des échanges -inéluctable et utile- doit être régulée, après réforme profonde de l'O.M.C. par l'introduction de clauses sociales, environnementales et relatives aux Droits de l'Homme, ces clauses ne devant pas pénaliser les populations du Tiers-Monde. La mondialisation économique doit s'accompagner d'une mondialisation politique, par la mise en place à l'échelon universel d'un organe représentatif de tous les citoyens de la planète. Un nouveau système de taxation des bénéfices des groupes multinationaux doit être défini, assurant une juste part de recettes à tous les pays, notamment les pays en développement, où s'exercent leurs activités.

Environnement et développement durable

La protection de l'environnement est un impératif requérant une action universelle, qu'il faut conduire à l'aide des divers instruments utiles : réglementation, taxation, marché des créances environnementales. Le sommet de Johannesburg sur le développement durable de septembre 2002 doit être l'occasion de nouvelles avancées en ce sens. La protection de l'environnement doit être cependant recherchée dans un esprit de rationalité exempt de vénération, sans être un frein au progrès scientifique et technique. La France doit conserver l'avantage relatif de la production énergétique nucléaire tout en continuant à travailler à la prévention des risques, à la solution du problème des déchets et au développement des énergies renouvelables.

L'exception culturelle française

La notion d'exception culturelle ne doit pas être limitée au seul cas de la culture française. Partout dans le monde, toutes les cultures, éléments du patrimoine commun de l'humanité, doivent être vigoureusement défendues, promues et, en tant que de besoin, placées à l'abri d'une logique de profitabilité pouvant conduire à leur anéantissement. Je suis favorable, faute de mieux, à des quotas de diffusion et à la généralisation du prix unique pour le disque, le CD, le CD rom et le DVD. Je souhaite un programme de sauvegarde et de promotion des langues régionales.
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Pourquoi je suis candidate
Il y eut la Marseillaise sifflée une après-midi d'automne. Et des adultes, péremptoires, indignés, pressés de proférer des anathèmes raccourcis. Et nous, consternés mais instruits de leur exclusion, sensibles à leur détresse, conscients que leurs sifflements visaient les multiples contrôles d'identité qu'ils subissent chaque jour, les « fous-le camp chez toi », les logements inaccessibles, les emplois interdits, les services publics déserteurs. Et notre gêne : comment expliquer sans justifier, lorsque les clignotants se multiplient dans ces voitures brûlées à Strasbourg, autour de Paris, et dans les périphéries de toutes les grandes villes, ces magasins pillés, ces bus pris pour cible, ce métro devenu si peu sûr.

Au Stade de France, en ce lieu de saine compétition et de fair-play, ils ont hurlé le trouble qui les oppresse à devoir s'emparer des symboles d'appartenance. Et même s'il est toujours hasardeux de comparer des événements et des temps différents, comment oublier Tommie Smith et John Carlos athlètes africains-américains vainqueurs des J.O. de Mexico, levant un poing ganté de noir ? L'Amérique s'est cabrée. Puis elle s'est mise à comprendre. Quand donc ceux qui gouvernent la France comprendront-ils ?

Quand comprendront-ils que ce n'est pas en cabotinant au nom de la France et en traitant de sauvageons une partie de ses enfants humiliés, en réclamant pour eux des maisons de correction, en jetant sur leurs parents, leurs amis, leurs voisins un regard uniformément réprobateur, en exigeant d'eux respect de la loi et des biens sans vraie contrepartie éducative ni perspective d'insertion, en ignorant leurs succès dans les arts, les sciences, les techniques, la littérature, outre le sport et la musique, quand comprendront-ils que ce n'est pas en occultant la déshérence de ceux qui ont cru aux vertus de l'effort, à la méritocratie républicaine, à l'ascenseur social, que ce n'est pas en les stigmatisant aveuglément qu'ils apaiseront les légitimes sentiments de révolte, qu'ils réduiront l'illusion protectrice des citadelles identitaires ?

Quand comprendront-ils qu'ils n'obtiendront nulle soumission à menacer les parents de suspendre les allocations familiales, sans assurer à leurs enfants l'égalité des chances, sans leur reconnaître le droit d'être eux-mêmes, simplement d'être, de conserver l'héritage précieux d'une histoire, d'une langue, d'une religion ? Quand comprendront-ils que la violence d'un urbanisme qui a bâclé des forteresses au bord des autoroutes, reléguant ensemble, soi-disant par hasard, des familles d'origine coloniale ou d'origine française rurale, les oubliés du progrès, les blessés de la croissance, les bernés de la prospérité ?

Quand comprendront-ils que loft story et star academy ne sont que des mirages plus fertiles en frustrations qu'en espoir, et qu'une partie de la jeunesse de France peine à croire qu'elle a droit à sa juste place au soleil de la vie ?

Car c'est bien d'elle qu'il s'agit d'abord. De cette jeunesse de France refoulée dans la honte de parents soumis aux impôts locaux mais privés de droits civiques, acculée au ressentiment des contrôles incessants, forcée à s'habituer à la peine de mort sans sommation, tentée par la loi du talion et les charmes du caïdat.

Mais il s'agit aussi de cette jeunesse, fière jusqu'à l'orgueil, qui refuse le misérabilisme.

Et parce qu'il est insupportable de regarder s'élargir le fossé entre deux France, celle d'hier et celle d'aujourd'hui, nées d'une même histoire aux pages contrariées, tantôt étincelantes de générosité, tantôt écrasantes d'indifférence et de mépris, je sais, moi qui par choix, par fidélité et par nécessité, passe d'un univers à l'autre, je sais que je dois être là, visible et audible, pour dire que nous n'avons pas encore perdu la guerre des modèles, des repères et des références, que notre identité composite doit cesser d'être conflictuelle, que cette diversité culturelle donne de la fragrance à la variété des territoires. Dire aussi que la laïcité est le meilleur rempart pour éviter que la diversité ne mue en disparité, pour que la citoyenneté restaurée assure l'égalité en droit et en chances, pour que les obligations et devoirs liés à la responsabilité retrouvent la saveur des libertés, dès que la loi recommencera à protéger chacun et tous.

Il faudra beaucoup rénover pour retisser la cohésion sociale. Les institutions doivent retrouver vitalité, la sixième République s'y emploiera. Les responsabilités doivent être mieux partagées entre l'Etat et les collectivités, un Etat centré sur ses missions essentielles y pourvoira. La solidarité doit être revigorée, la réforme des retraites, le crédit-activité, le revenu étudiant, l'aide à l'autonomie des personnes handicapées y contribueront. La démocratie doit respirer, la parité irriguera tous les champs.

Et tous ceux qui ne se résignent pas devant cette société qui s'enfonce dans la peur, ceux qui savent que la confiance retrouvée sera notre plus beau lien social, ceux qui refusent la fatalité de ces frontières géographiques, sociales, culturelles, vous tous qui trépignez de redonner couleur et générosité à la République, de tendre des passerelles entre toutes les rives, les vraies et les imaginaires, et je sais combien nous sommes nombreux, nous donnerons de la voix pour que s'impose cette vision d'un avenir de justice et de liberté, pour enseigner aux jeunes siffleurs que le drapeau aux trois couleurs fut, à sa naissance, l'emblème de la révolte contre l'oppression et l'inégalité, la bannière de l'espoir d'une société meilleure, l'étendard des valeurs éternelles qu'il faut chaque jour reconquérir : fraternité, égalité, liberté.

Et nous le ferons sans craindre les nostalgies ni les défaitismes, les doutes, les écorchures, les avanies et car nous savons, comme René Char, que « la lucidité est la blessure la plus proche du soleil ».

Christiane TAUBIRA

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Peuples et Terres de France
La France est plurielle. Dans sa composition sociale, dans ses territoires. Son unité, sa capacité à franchir les caps de l'unification européenne et de la mondialisation, à signifier quelque chose d'important pour elle-même et le reste du monde, supposent qu'elle reconnaisse sa diversité, s'appuie sur cette richesse et tire parti de tous les dynamismes qu'elle recèle. La chance de la France, c'est la pleine acceptation de son pluralisme et, partant de là, son ouverture au monde, l'offre de lui faire partager l'irremplaçable message républicain qu'il y a un peu plus de deux siècles, elle a su, une première fois, lancer.

Pour une politique de confiance sociale

La France a changé. A cause de son histoire, de sa présence ou de son passage aux Antilles, en Guyane, dans l'Océan indien et le Pacifique, en Afrique, au Maghreb, aux Indes, en Indochine, beaucoup d'hommes et de femmes sont venus de ces autres rives jusqu'au sol européen, se mêler à ceux qui s'y trouvent depuis plus longtemps, même si, bien souvent, leurs racines sont éparses. La France est devenue, comme d'autres grandes nations du monde, un pays mêlé, où se juxtaposent les couleurs, où se côtoient les cultures, les langues et les croyances. Les Français le savent, parfois s'en enthousiasment, lorsque triomphe au stade de France leur équipe multicolore, et parfois s'en étonnent ou s'en inquiètent. Le risque est alors que deux France se dévisagent et se méfient l'une de l'autre. Ce n'est que rarement de racisme qu'il s'agit, le plus souvent de méconnaissance de l'autre ou d'indifférence à l'autre.

Il est temps de définir et de mettre en oeuvre une grande politique de confiance sociale, capable d'assurer la cohésion nécessaire au progrès, à la sécurité et au bien-être commun.

Oeuvrer au rétablissement de la confiance entre les Français, c'est d'abord dire à ceux dont les familles sont installées depuis peu en France, qui se sentent mal à leur aise dans une société qu'ils ne sentent pas vraiment leur, qu'ils doivent avoir confiance en eux, être fiers de ce qu'ils sont, qu'ils sont les égaux de tous les autres citoyens, et qu'ils peuvent avoir toutes les ambitions. C'est leur dire que l'école, dès la maternelle, c'est la leur; que l'Université, c'est pour eux. C'est leur dire que les services publics sont la chose de tout le monde et donc la leur : les bus, les métros et les cabines téléphoniques ; que les quartiers et les cités où ils vivent sont les leurs et qu'ils doivent les préserver comme on préserve ses propres biens ; que le besoin de sécurité, c'est d'abord celui de leurs familles, et qu'ils doivent contribuer à leur protection ; que la loi commune est la leur et qu'ils doivent la respecter, dès lors qu'ils se respectent.

A ceux qui, enracinés de plus longue date sur le sol français, et qui, étonnés ou préoccupés par les transformations de notre société, demeurent parfois perplexes ou méfiants en face d'allures ou de parlers inattendus, lorsqu'il s'agit d'embaucher, ou d'accepter un locataire, il faut demander de faire confiance à celui qui veut travailler, à celui qui a besoin de se loger, comme c'est le désir ou le besoin de tout individu.

Le discours public, celui des responsables politiques, celui de la presse et des media, est d'une grande importance pour la création, ou le rétablissement, du climat de confiance dont la France a besoin. La transformation des comportements sociaux est largement tributaire d'une pédagogie de la confiance sociale dans laquelle de très nombreux acteurs doivent s'engager résolument.

Le discours, pourtant, ne suffit pas. Certains ont perçu, jadis, les risques de la fracture sociale, au point d'en faire un thème de campagne présidentielle?avant d'en oublier jusqu'à la signification. Au-delà du discours, il faut donc définir les voies et les moyens d'une politique de confiance sociale.

La politique de confiance sociale doit avoir un responsable, pour en assurer la traduction effective dans tous les domaines de l'action publique. Le prochain gouvernement français devra comporter un Ministre des droits des personnes et de la cohésion sociale, chargé de veiller au respect de l'égalité des droits, de prévenir et sanctionner tous les comportements discriminatoires, de compenser les handicaps et favoriser les rattrapages sociaux.

Un vaste programme de cohésion sociale devra être défini, intéressant de nombreux domaines de la vie sociale et publique :

Politique éducative

Elle devra favoriser les mises à niveau nécessaires : par une affectation prioritaire de moyens (enseignants, locaux, matériels pédagogiques) aux établissements situés dans les zones à besoins sociaux spécifiques (taux de chômage élevé, forte densité de population d'origine immigrée), permettant en particulier un encadrement plus précis des enfants scolarisés.

Elle devra permettre une certaine personnalisation de la formation, pour un meilleur épanouissement individuel, par la possibilité de libre choix d'une fraction des programmes, par les parents dans le primaire, par les élèves au delà, compte tenu des possibilités d'option définies par les autorités de chaque région. Ainsi pourront être enseignées, à côté d'un tronc commun de disciplines fondamentales, les langues régionales ou parentales, les histoires et cultures particulières, de même que des langues étrangères, ou telle discipline artistique ou de toute autre nature, et ce, quel que soit le lieu de scolarisation de chacun : l'apprentissage de l'arabe, du corse, du breton ou du créole est aussi utile et légitime à Paris qu'à Alger, Bastia, Rennes ou Pointe-à-Pitre.

Trop souvent, en effet, l'errance sociale trouve sa source dans la perte d'identité. Elle devra permettre un accès plus égal aux formations supérieures d'excellence ; par la décentralisation de ces formations, et de leurs préparations ; par l'adaptation des programmes de concours ; par l'organisation de soutiens spécifiques régionalisés ; par l'adoption d'un revenu minimum étudiant.

Politique de l'urbanisme et du logement

Assez de collectifs en bordure d'autoroutes, assez de barres de béton refermées sur des ghettos pour ceux qui sont venus d'ailleurs, assez de ségrégations urbaines, de banlieues chics et de quartiers sensibles. Non pour interdire les affinités culturelles, ou pour forcer à une mixité sociale non souhaitée : la politique des « quota d'immigrés » est aussi absurde que la politique de cantonnement ethnique. Simplement, chacun doit pouvoir vivre, quelle que soit son origine ou sa culture, dans un environnement également chaleureux, également accueillant. Les politiques d'urbanisme doivent être des politiques fondées sur une égalité d'exigences, quels qu'en soient les destinataires.

De même doit être rigoureusement assuré un droit égal au logement. Il n'est pas rare, en ce domaine, que le handicap d'origine s'ajoute au handicap social. Les discriminations face à l'accession au logement locatif ne doivent pas être tolérées. De façon générale, l'accès au logement doit être facilité par l'octroi d'aides publiques, notamment à forme de garanties ou cautionnements, en faveur des jeunes (premier accès à un logement) ou des personnes défavorisées (personnes privées d'emploi).

Politique de l'emploi

Comme en matière d'accès au logement, les discriminations à l'emploi fondées sur l'origine, comme sur le sexe, ou le handicap, doivent être identifiées, dénoncées et sanctionnées.

Politique de la communication, de la culture et des media

Une juste place doit être assurée aux Françaises et Français de toutes origines, à la fois dans l'expression de la communication audiovisuelle et dans la représentation de la société française que délivrent les media. Cela signifie davantage de pluralisme d'origine dans la présentation des émissions de radio ou de télévision - pourquoi faut-il que l'accent du midi ne soit admis que pour le sport ou la météo ? -, davantage de pluralisme d'allure ou d'apparence dans le choix des actrices, des acteurs et des scénarios, davantage de pluralisme culturel dans les programmations, y compris aux heures de grande écoute ; davantage de pluralisme, aussi, dans la considération portée aux candidats aux élections...

On ne proposera pas, ici, une énième politique des quotas, qui serait d'exécution difficile ; mais un peu plus d'attention à la réalité sociale française et aux exigences de sa cohésion, de la part des medias eux-mêmes, comme de l'autorité indépendante en charge d'en contrôler le comportement équitable (CSA).

Identités et religions

Les aspirations identitaires sont trop fortes et légitimes, à l'heure d'une mondialisation écrasante, pour qu'elles puissent être ignorées ou absorbées dans une culture nationale unique et uniforme, qui serait tout aussi réductrice que l'est celle des multinationales alimentaires ou des « majors » américaines. La France est riche de cultures diverses, venues de la profondeur des temps, qui ont pu survivre aux nivellements d'une excessive centralisation. Elle s'enrichit aujourd'hui de cultures venues d'ailleurs, autres fragments du patrimoine commun de l'humanité ; leur rencontre, leurs échanges, sont à l'origine d'autres inventions, d'autres créations.

Le respect des identités culturelles représente un important aspect de la politique de confiance sociale. Il n'exclut nullement la protection du précieux héritage culturel des vingt siècles d'histoire qui ont fait la France, non plus que la défense exigeante de la francophonie. Toutes les cultures de l'Europe et du monde ont partie liée dans un combat commun pour tout ce que produit le génie de l'homme, et que menace la toute puissance de logiques commerciales insuffisamment maîtrisées.

De même doivent être considérées avec égal respect, et traitées de même façon, les différentes religions pratiquées en France. La République laïque n'ignore pas les croyances. Elle en est indépendante. Elle en permet l'égal exercice. Partout où la demande sociale en apparaît, des mosquées, comme tous autres lieux de culte, ainsi que des lieux de sépulture pour tous les croyants, doivent être édifiés, grâce à la collectivité publique plutôt que par d'incertains concours extérieurs.

Jeunesse et sécurité

La sécurité à laquelle ont droit les citoyens ne passe certainement pas par le renforcement de la répression à l'égard des jeunes ou par l'invention à leur encontre de nouvelles formes de contraintes ou de punitions, mais avant tout par la prévention de la violence qu'assure une politique globale d'égalité des chances, et de participation accrue à la vie sociale et civique. Les jeunes ont besoin de marques de confiance : l'abaissement à 17 ans du droit de créer et de gérer une association ou une entreprise, l'abaissement au même âge du droit de vote, seront les témoignages de cette confiance. Les jeunes ont besoin de formation : c'est jusqu'au même âge de 17 ans que doit être portée l'obligation de scolarisation.

Démocratie pour tous

La France telle qu'elle est doit se retrouver dans la représentation nationale, dans la composition des conseils régionaux, généraux et municipaux, dans la composition sociologique des partis politiques et surtout de leurs états-majors. La démocratie a fait un grand pas en avant lorsque, il y a peu, les femmes ont obtenu d'être présentes à leur juste place dans les compétitions électorales. Cette victoire serait inachevée si ne pouvaient y concourir toutes les femmes de la République, et si la seule avancée réelle n'était autre que l'adjonction d'un volet féminin à une classe politique coupée de la réalité sociale.

La vraie solution au problème de la sécurité dans les banlieues réside évidemment dans la prise en mains de leurs propres affaires par les habitants qui y vivent. Comment s'étonner de l'incivisme ou du désordre lorsque tant d'agglomérations sont gérées de manière exclusive par les élus d'une partie minoritaire d'entre elles, alors que la majorité de leurs habitants, parce qu'ils n'ont pas pu, su, ou voulu acquérir une carte d'électeur, parce qu'on leur a refusé l'accès aux formations politiques traditionnelles ou qu'ils n'ont pas souhaité s'organiser en formations communautaristes, se trouvent exclus de la décision publique ?

Les villes, les cités, les quartiers, doivent être gérés par leurs habitants. Ainsi se créent l'esprit de responsabilité, le sens civique, le souci de bon fonctionnement des services publics, le goût pour un environnement agréable et respecté.

La loi devra en conséquence prévoir, pour les agglomérations urbaines, la création pour chaque ensemble résidentiel cohérent d'au moins mille logements d'une nouvelle collectivité publique, dite mairie de quartier, administrée par un conseil élu par les habitants qui y résident, le droit de vote étant reconnu à toute personne, ainsi qu'aux membres de son foyer en âge de voter, y résidant depuis au moins un an et acquittant une contribution directe locale.

Les mairies de quartiers auront notamment la charge de créer et gérer des maisons de services publics, qui offriront à tous les habitants du quartier l'accès aux services publics traditionnels (poste, crèches, aide sociale, services culturels et sportifs, etc..) comme aux nouveaux services d'intérêt général (formation et accès aux nouvelles technologies de communication, assistance juridique et médiation, aides à domicile, formations spécifiques à la langue française, assistance à la création et à la gestion d'associations et d'entreprises, etc..).

La loi devra prévoir la représentation obligatoire, dans les conseils municipaux des villes de plus de trente mille habitants, des quartiers de ville représentant, chacun, une population d'au moins trois mille habitants. Ainsi sera mis un terme à cette singularité qui fait de la France un pays de plus de trente mille communes, dans lequel des groupes sociaux assez nombreux pour former, à eux seuls, l'équivalent d'une ville moyenne n'ont aucune forme de représentation politique.

Bien entendu, le droit de vote à toutes les élections locales doit être accordé dans les conditions déjà indiquées, qui ne sont autres que celles que prévoyait déjà, il y a plus de deux siècles, la Constitution de 1793 !
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La République en tous ses territoires
Les principes républicains, au cours des deux derniers siècles, se sont déployés dans le cadre privilégié des Etats-Nations, qui ont durablement caractérisé l'architecture politique planétaire et abrité l'édification du monde moderne.

La République des Etats est à l'origine de progrès essentiels. Elle a permis l'affirmation des droits de l'homme et des libertés publiques, souvent, d'ailleurs, contre les excès du pouvoir d'Etat lui-même. Elle a permis l'éclosion de la science, les progrès de l'industrie. Elle a favorisé la conquête des droits sociaux, permis le déploiement des solidarités. Les Français lui doivent l'école, le savoir, l'université ; des conditions de travail et de vie améliorées ; les congés, le temps libre ; la protection contre les risques sociaux; l'égal accès aux services publics.

La République des Etats fut aussi la cause de phénomènes moins heureux : l'étouffement des cultures régionales ; la compétition sans bornes entre voisins dressés les uns contre les autres, les guerres, les conquêtes coloniales conçues comme les prolongements ultramarins de la concurrence européenne ; après elles, la division artificielle de l'Afrique en Etats inspirés d'un modèle sans racines dans ce continent ; un bien-être économique et des avantages sociaux réservés à une partie du monde, à l'abri de frontières égoïstes, suscitant l'envie, forçant les migrations, pouvant aussi conduire à l'incompréhension ou à la haine. Ce ne sont pas les principes républicains qui ont produit ces effets tragiques ou cette dangereuse inégalité de la condition humaine. C'est leur enfermement dans l'étroit carcan de l'Etat-Nation.

Les transformations du monde, au cours des dernières années, établissent la fin du règne sans partage des Etats-Nations. La mondialisation économique, la construction européenne et les autres mouvements d'intégration économique régionale, la quête des identités culturelles et le développement des pouvoirs locaux, dessinent une nouvelle planète, où les Etats ont leur place, mais au sein d'une architecture plus riche et diversifiée.

La chance de la République est de pouvoir étendre ses principes à tous les niveaux de cette architecture, du village au monde, en conservant à l'Etat l'héritage précieux d'une pratique éprouvée des valeurs d'humanisme, d'égalité des droits et de solidarité entre les individus.

Le devoir des républicains n'est pas de s'arc-bouter sur un passé révolu et de tenter de ressusciter une forme d'Etat qui a vécu mais bien de proposer une vision de la République moderne adaptée à la marche du monde.

La République moderne, ce sont des collectivités territoriales fortes de leurs identités et libres de leur développement économique, réunies dans le cadre d'un Etat recentré sur ses missions essentielles, renforcé dans les moyens de leur exercice ; c'est une Europe fédérant toutes ses composantes étatiques au sein d'un nouvel ensemble politique capable de peser sur le devenir de la planète ; c'est une planète Terre où les citoyens doivent être représentés au même titre que les Etats, dans une organisation politique universelle qui doit assurer la maîtrise de l'homme sur les forces de l'économie comme sur les élans de la science et de la technique.

Des collectivités territoriales épanouies dans leur identité et leurs nouvelles libertés

Reconnaître les identités territoriales. Chacun peut constater combien, en contrepoint à la mondialisation économique, les femmes et les hommes de toutes contrées ou origines sont désireux de retrouver et de s'approprier toutes leurs racines. Pour certains, qui ont été contraints au voyage, ces racines resteront intérieures ; elles vivront dans leur culture, dans leurs croyances. Pour d'autres, qui sont restés au pays, elles sont symbolisées par un territoire, aux particularités désormais mieux perçues, et plus fortement revendiquées. Dans la République moderne, l'Etat doit respecter les identités territoriales, comme les identités culturelles, ou religieuses. C'est un aspect de la laïcité.

L'Etat républicain s'est trompé le jour où, soucieux à juste tire de généraliser l'accès au savoir par l'égal enseignement de la langue française, il a cru nécessaire de s'employer à faire disparaître les langues régionales. Elles sont un élément du patrimoine commun de l'humanité. Elles doivent être préservées et enseignées.

Etendre les compétences locales. Il ne suffit pas, toutefois, de respecter les identités territoriales à la manière dont on respecte les oeuvres entreposées dans un Musée. Nos territoires doivent vivre, se mesurer à d'autres, prospérer, s'épanouir. Pour cela, les collectivités qui composent la France doivent disposer des compétences leur permettant de libérer leurs énergies et leur dynamisme.

A peu près partout en Europe, mais pas encore en France, on a compris cela : les régions, les Länder, les provinces, sont dotés d'attributions leur permettant de définir et de mettre en oeuvre des projets de développement territorial, d'affronter dans les meilleures conditions d'efficacité une compétition mondiale, qui n'est plus seulement celle des Etats, mais bien celle de tous les territoires.

En France, la décentralisation a été jusqu'ici comprise comme un processus permettant de faire prendre certaines décisions par des autorités locales, mais dans le cadre de législations ou réglementations uniformes définies communément pour tous par le pouvoir d'Etat.

Or la loi républicaine n'a nullement vocation naturelle à produire de l'uniformité. De grandes républiques fédérales admettent, sans cesser d'être des Républiques, la diversité de règles selon les territoires. La loi française elle-même, d'ailleurs, organise bien souvent des différenciations, que le Conseil Constitutionnel, gardien des principes républicains, admet parfaitement, dès lors que ces différenciations sont la réponse à des situations elles-mêmes différentes. Le principe d'égalité n'est pas satisfait lorsqu'une même règle s'applique à des situations qui ne sont pas équivalentes. Et aucune raison de principe n'impose que la nécessaire diversité soit organisée par le seul pouvoir d'Etat, plutôt que, dans certains cas, laissée aux bons soins d'une autorité locale. Il faut se garder de confondre égalité et uniformité. Il faut se garder de confondre unité de la République et unicité du pouvoir d'édicter des règles générales.

La République moderne est ainsi pleinement fondée à prendre appui sur une nouvelle forme de décentralisation, comportant le transfert aux collectivités territoriales d'un pouvoir d'édicter des règles générales jusqu'alors réservé aux seules autorités de l'Etat, législateur national ou pouvoir réglementaire. Ce transfert de compétence peut concerner des domaines qui relèvent de la compétence gouvernementale, du pouvoir réglementaire.

Ce transfert peut alors s'effectuer sans qu'il soit besoin de réviser la Constitution, le Conseil Constitutionnel vient de le confirmer à propos de la Corse.

Il passe par une révision de la Constitution, et particulièrement de son article 34, lorsqu'il concerne des questions qui relèvent du domaine de la loi.

De tels transferts de compétence ne devront pas être les réponses improvisées à des situations de crise affectant tel ou tel territoire particulier ; ils devront être un élément du nouveau droit commun de la République, et pourront intéresser, à ce titre, l'ensemble des régions, comme l'ensemble des départements.

Ils devront concerner les domaines dans lesquels l'initiative locale est, à côté de celle de l'Etat, légitime, utile et efficace, particulièrement ceux de l'action économique, de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement, de la protection de l'environnement, du patrimoine et de la culture. Pour ce qui relève du domaine de la loi, ils concerneront utilement le domaine de la fiscalité. Les collectivités territoriales françaises doivent disposer d'une certaine capacité à définir et mettre en oeuvre des politiques fiscales locales, aptes à répondre à leurs besoins et à favoriser leur développement.

S'agissant de l'éducation, elle doit demeurer, à titre principal, une question relevant de la compétence de l'autorité nationale. Un droit égal pour tous à une éducation de qualité, sanctionnée par des diplômes à l'équivalence reconnue, est en effet un élément fondamental du pacte républicain. Toutefois, une partie des programmes d'enseignement devra être libérée pour faire place, selon le cas, à l'enseignement de langues régionales (occitan, basque, corse, breton, créole, swahili?), à la préservation d'un héritage culturel, à l'apprentissage d'une troisième langue européenne, ou encore au développement du sport, de la musique, ou d'un autre centre d'intérêt.

De manière générale, il ne s'agit pas de priver le législateur du pouvoir de fixer les grandes règles communes qui doivent guider l'action républicaine. Il s'agit de concevoir un partage des compétences là où il est opportun, pour une loi, pour un règlement, plus proches des citoyens, mieux adaptés aux réalités du terrain. Il s'agit de faire vivre la diversité territoriale, dans le respect rigoureux des principes républicains.

Assurer la cohésion nationale

Fortes de leur identité retrouvée, assurées des moyens de leur développement, les collectivités territoriales ne doivent pas cesser d'être, entre elles, solidaires. Une raison d'être majeure de leur réunion au sein de l'ensemble national est de faire en sorte que s'y déploie, à une échelle appropriée, le principe de fraternité.

La richesse, les ressources naturelles, le potentiel économique, sont inégalement répartis entre les régions, comme, à l'intérieur de celles-ci, entre les départements, puis entre les communes.

Le développement des libertés et des compétences locales ne doit en rien compromettre la solidarité des territoires. Il doit au contraire en permettre le renforcement. Celui-ci sera assuré par la généralisation d'un mécanisme de péréquation : une fraction des recettes propres de chaque région sera affectée à un fonds national de péréquation, dont le produit sera reversé aux régions les plus défavorisées, au regard de critères tels que le revenu moyen par habitant, le potentiel fiscal par habitant, le niveau de sous-emploi. De même, une fraction des recettes propres de chaque département abondera un fonds régional de péréquation, cependant qu'une fraction des recettes de chaque commune ou communauté de communes alimentera un fonds départemental ou intercommunal de péréquation.

Pour ce qui concerne les départements d'outre-mer, il appartient à chacun d'eux d'exprimer librement sa préférence en ce qui concerne l'organisation des pouvoirs publics locaux et l'évolution statutaire.

Le nouveau droit commun républicain, comportant une extension des compétences normatives des autorités démocratiques locales, assurera en tout cas aux départements et régions d'outre-mer, comme aux autres collectivités de la République, la reconnaissance de leur identité et des moyens plus efficaces pour leur développement.

S'agissant des segments de la législation ou de la réglementation qui demeureraient de la compétence de l'autorité nationale, les possibilités d'adaptation de la règle commune à la situation particulière des D.O.M. devront être élargies, par rapport aux prescriptions de l'actuel article 73 de la Constitution. La nécessaire prise en compte des spécificités et des handicaps des départements d'outre-mer ne doit pas être freinée par l'obligation d'un recours régulier à la révision constitutionnelle. La Constitution française devra donc prévoir une marge d'adaptation des normes nationales comparable à ce que le Traité CE, dans sa rédaction issue du traité d'Amsterdam, prévoit en son article 299-2 en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union, par rapport au droit commun de celle-ci.

Un Etat renforcé dans l'exercice de ses missions essentielles

La République ne se confond pas avec l'Etat. Mais l'Etat demeure un cadre de référence essentiel des principes républicains ; il en est la principale matrice. Il doit continuer à jouer son rôle irremplaçable de gardien des libertés publiques, de garant de la sûreté intérieure et de la sécurité extérieure, ainsi que d'une justice et d'une éducation égales pour tous, d'agent central de la solidarité nationale, de défenseur, partout dans le monde, des droits de l'homme et des libertés publiques, de militant de la coopération internationale, du partage économique équitable et de la paix.

Pour l'exercice de ces missions essentielles, qui font sa légitimité, l'Etat doit être renforcé.

Contrairement à une idée commune, complaisamment propagée par des libéraux excessifs, toujours prompts à dénoncer le trop d'Etat ou le trop d'impôts, l'Etat français n'a pas, aujourd'hui, les moyens de ses missions essentielles. Les statistiques de la Commission européenne et du Ministère de l'Economie établissent fort clairement qu'il est, de tous les Etats de l'Union Européenne, le plus démuni : les ressources collectées par l'Etat pour son propre compte représentent, en France, 16% du PIB, contre une moyenne européenne de 20%. L'Etat français dispose d'un pourcentage de la richesse nationale comparable à celui constaté dans beaucoup de pays dits en développement !

Ainsi s'explique l'insuffisance de moyens justement dénoncée par les magistrats, les policiers, les gendarmes, les militaires, les personnels pénitentiaires, les enseignants, les universitaires, les chercheurs et les autres agents de nos services publics. Oui, il faut donner davantage de moyens à l'Etat pour qu'il puisse assurer efficacement les missions essentielles qui sont les siennes.
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La France, l'Europe et le Monde
L'Europe fédérale

La République moderne, ce n'est pas le repli sur lui-même d'un vieil Etat persuadé qu'il peut encore, à lui seul, infléchir la marche du monde, peser sur les grandes tendances de l'économie, contrebalancer la puissance américaine. Pour tout cela, la France a besoin de l'Europe, a besoin d'être dans l'Europe et, s'y trouvant, peut et doit agir pour faire de l'Europe un nouvel échelon de la conquête républicaine.

Entre l'Europe et les Etats qui la composent, les rapports doivent être clarifiés. Une Constitution fédérale européenne doit dire qui fait quoi, doit répartir clairement les compétences entre l'Union et les Etats membres, étant posé en principe que doit relever de la compétence des Etats ou, à l'intérieur de chacun d'eux (mais c'est l'affaire de chacun) de tel ou tel niveau de collectivités territoriales, tout ce qui peut y être traité avec efficacité, sans faire obstacle à l'action commune.

L'Europe doit être, beaucoup plus qu'aujourd'hui, l'affaire de ses citoyens. La Constitution européenne devra préciser les éléments de la citoyenneté européenne, énoncer les droits de l'homme que l'Union aura notamment pour mission de garantir, renforcer la place de la représentation des citoyens dans le processus de décision commune. L'organisation européenne des pouvoirs publics devra respecter les principes de la démocratie représentative. Le rôle du Parlement européen devra être renforcé.

L'Europe, sauf à n'être rien de significatif, ne peut être seulement un marché. Elle doit être, plus encore qu'aujourd'hui, un espace de cohésion sociale et territoriale, où la recherche de l'intérêt général doit venir constamment réguler le jeu des mécanismes du marché. La notion de service public doit retrouver un nouvel élan à l'échelle du continent, orienter par exemple le règlement de problèmes aussi sérieux que celui de la fourniture d'eau potable.

De nouveaux progrès doivent être accomplis en vue de la définition et du déploiement d'une politique étrangère et de sécurité commune de l'Union Européenne, trop absente de scènes tragiques telles que celles des Balkans ou du Proche-Orient.

Un nouvel élargissement de l'Union est nécessaire, pour assurer la coïncidence entre l'Europe des institutions et l'Europe de l'histoire et de la géographie, pour favoriser l'émergence d'une véritable conscience européenne, pour faire de l'Europe le grand espace d'échanges et de solidarité nécessaire à l'équilibre de la planète. Cet élargissement devra s'accompagner d'un renforcement des ressources communes, de façon à préserver les moyens des politiques de cohésion, en particulier au profit des régions défavorisées des pays déjà membres de l'Union.

La République monde

Une mondialisation civique

La mondialisation ne peut être seulement économique, se résumer à la création d'un marché mondial dont les instruments de régulation (OMC,FMI, etc.) ont pour seul objet la libre concurrence, et la suppression des moyens publics de correction des déséquilibres engendrés par le jeu libre et sans bornes du marché (politiques douanières, politiques de promotion des investissements, accords de Lomé, etc..).

La mondialisation économique doit être nécessairement assortie d'une mondialisation politique, visant à mettre les forces économiques au service de l'homme, permettant d'assujettir le marché aux exigences de la cohésion, de la solidarité, du respect des droits de l'homme, de la protection de l'environnement.

La mondialisation politique, c'est le projet d'une République-monde, c'est-à-dire de la création, au niveau mondial, d'instances représentatives de tous les citoyens du monde, à la manière de ce qui a été entrepris, et doit être poursuivi, en Europe, lorsqu'il s'est agi de faire de celle-ci autre chose qu'un simple espace économique.

Une mondialisation solidaire

La paix mondiale passe par la réduction des inégalités. Les phénomènes de migrations qui inquiètent une partie de l'opinion trouvent leur cause essentielle dans le retard de développement de certains pays. Il faut donner un nouvel élan à la solidarité internationale. Cela passe notamment par deux mesures simples :

- Le respect, par les Etats industrialisés d'un objectif de transfert financier significatif envers les pays en développement. L'aide publique au développement des grands pays industrialisés, qui a régulièrement diminué au cours des dernières années, doit être portée à 1% de leur PIB. - L'annulation de la dette du tiers monde.

Une mondialisation équitable

Les activités économiques des groupes multinationaux représentent désormais une part majeure du commerce mondial, largement supérieure à 50% de celui-ci. Les bénéfices dégagés de ces activités représentent une assiette taxable considérable, qui est aujourd'hui répartie dans des conditions gravement dommageables pour les pays en développement. Une partie de la base taxable échappe à l'impôt car elle apparaît dans les paradis fiscaux. L'autre partie est pour l'essentiel captée par les grands pays industrialisés, qui disposent des informations et des moyens administratifs et techniques nécessaires au contrôle des opérations des groupes internationaux. Les trésors publics des pays en développement ne récupèrent qu'une part infime de ce potentiel fiscal, alors qu'une part importante de la valeur ajoutée produite par les multinationales trouve souvent sa source sur leurs territoires.

Les profits des groupes multinationaux doivent être plus équitablement répartis, en particulier pour la part qui en est prélevée par l'impôt. Il faut, pour cela, changer les mécanismes qui président au partage de ce potentiel fiscal : le bénéfice mondial réalisé par chaque groupe multinational doit être réparti entre les différents pays dans lesquels ce groupe est présent sur la base d'une formule internationalement convenue, associant plusieurs critères objectifs : chiffre d'affaires dans le pays par rapport au chiffre d'affaires total, valeur des actifs dans le pays par rapport à la valeur mondiale des actifs, nombre de salariés dans le pays par rapport au nombre total de salariés employés dans le monde.

Une telle taxation équitable permettra d'assurer aux budgets des pays en développement la juste part leur revenant de la base imposable des firmes multinationales. Elle leur permettra de disposer, hors même un quelconque geste de solidarité internationale, de moyens réguliers de financement de leurs budgets publics.

Une mondialisation pour un développement durable et humaniste

Atteindre cet objectif suppose que l'on subordonne l'octroi d'aides économiques ou financières internationales, à la réunion d'un certain nombre de critères s'ajoutant aux traditionnels critères de la « bonne gouvernance » économique et financière. Il devra s'agir de critères éthiques, sociaux et environnementaux, permettant d'assurer, partout dans le monde, le respect des droits de l'homme, la garantie des droits sociaux et syndicaux, la protection de l'environnement.

Le rôle international de la France

A raison de son histoire, de la place qu'elle occupe dans l'imaginaire des peuples, dans le domaine de la culture comme dans celui de la conquête des libertés, des responsabilités que lui confère son appartenance au groupe restreint des pays les plus développés, du caractère exemplaire de son système de protection sociale, la France a le devoir de jouer sur la scène internationale un rôle qu'elle est seule à pouvoir tenir.

L'action internationale de la France peut être déterminante pour assurer la paix dans le monde, pour promouvoir un nouveau partage international des richesses et des moyens du développement, pour permettre la survie de toutes les cultures qui sont l'expression la plus authentique de l'humanité dans sa capacité à inventer, à créer, à faire, de mille et une façons, vivre la vie.

Oeuvrer à la paix dans le monde

L'action diplomatique de la France en faveur de la paix dans le monde ne peut être, désormais, isolée de l'action plus large, et plus efficace, que peut mener, pour peu qu'elle s'en donne les moyens, l'Union européenne. Ainsi la France, avec l'Europe, en avant-garde de l'Europe s'il le faut, doit tout faire pour qu'enfin cesse le conflit destructeur des corps et des intelligences qui obscurcit depuis tant d'années l'avenir du Proche-Orient ; ainsi doit-elle être au premier rang d'une politique d'apaisement des tensions dans les Balkans.

La France, toutefois, ne peut éluder les responsabilités particulières qui sont les siennes. Elle n'a pas le droit, en particulier, de rester indifférente à toute dégradation des rapports régionaux ou inter-régionaux qui, en Afrique en particulier, pourrait trouver une origine dans la présence et les décisions qui y furent les siennes et, dès lors, a le devoir d'apporter, en faveur de la préservation de la paix, les concours qui, dans le cadre d'une concertation de préférence régionale ou internationale, lui seraient demandés.

Assurer un meilleur partage des moyens du développement humain, c'est d'abord, on l'a vu, être au premier rang de l'action en faveur de la coopération économique internationale. Comme en matière d'action pour la paix, la France doit être plus particulièrement généreuse, dynamique, innovante, là où sa présence passée a pu contribuer à la création de certains déséquilibres. Ainsi ne pourrait être accepté le désengagement économique français à l'égard de l'Afrique, du Maghreb, des Caraïbes ou du Pacifique.

La France doit promouvoir une grande entreprise de coopération entre l'Europe et l'Afrique, pour un développement humaniste et durable de ce continent.

Elle doit aussi accomplir certains gestes particuliers ; par exemple engager une action décisive pour aider la République d'Haïti à sortir du marasme économique. Le 200° anniversaire de l'indépendance de ce pays fournit à la France l'occasion d'annoncer le remboursement des contributions injustement versées au Trésor français par Haïti comme « prix » de sa libération.

Le partage des moyens du développement humain, ce sont aussi des actions de coopération beaucoup plus résolues en matière de politiques d'éducation et de santé. Dans ces deux domaines, les savoirs et les savoir-faire français doivent être généreusement partagés.

Favoriser l'épanouissement de toutes les cultures du monde

Il y a une exception culturelle française. Il faut qu'il y en ait beaucoup d'autres. Ce doit être l'un des rôles majeurs de l'action internationale de la France que de défendre toutes les cultures du monde, menacées d'être emportées par le flot dévastateur et réducteur d'une logique du profit incompatible avec la préservation du génie créatif de l'homme. Parce qu'elles sont nécessairement le reflet d'un lieu particulier, d'une histoire singulière, d'un itinéraire à nul autre pareil, les cultures, même lorsque leurs expressions touchent à l'universel, sont par nature plurielles. Elles doivent être à mises à l'abri de tout ce qui peut contraindre à l'uniformité. Elles sont le lieu où l'intervention publique, à tous les échelons, doit être non seulement autorisée, mais préconisée et encouragée. Une régulation particulièrement contraignante doit s'appliquer à l'activité des entreprises multinationales dites culturelles, auxquelles des quotas de production et de diffusion doivent être imposés.

Parce qu'elle est un élément de la défense solidaire de toutes les cultures du monde, l'action de la France en faveur de la francophonie doit être conduite avec une détermination renforcée.

Parce qu'ils contribuent activement au partage des cultures et des savoirs, aux échanges économiques nécessaires au développement, et à l'action que la France conduit en ces domaines dans l'intérêt général, les Français de l'étranger doivent faire l'objet d'une meilleure attention de la part de l'autorité publique, justifiant, en leur faveur, la définition d'un corps de dispositions protectrices et encourageantes.
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Les nouvelles institutions de la VIème République
La nécessaire réforme de l'organisation administrative française impose une révision de la Constitution. D'autres raisons plaident en faveur d'un remaniement d'ensemble de cette charte fondamentale, qui n'est plus adaptée aux besoins de notre temps.

La Constitution adoptée en 1958 a pu correspondre a un besoin de stabilité gouvernementale, aux nécessités de la décolonisation et à une certaine pratique du pouvoir présidentiel. Aujourd'hui, les méfaits de la cohabitation, l'anémie du pouvoir législatif et la demande de participation exprimée par les citoyens imposent une refonte totale des institutions.

C'est la VI° République que les radicaux de gauche ont appelée de leurs voeux depuis longtemps.

Restituer le pouvoir aux citoyens et à leurs représentants, tel est bien l'objectif de cette réforme ambitieuse.

Le préambule de la Constitution sera élargi aux principaux engagements européens et internationaux de notre pays. Il comportera également l'inventaire des droits modernes des citoyens.

La Constitution elle-même devra prendre en compte les aspirations à une meilleure reconnaissance des identités culturelles, le pluralisme des langues françaises, le besoin de nouvelles libertés locales, la nécessaire organisation de nouveaux échelons de l'organisation territoriale. Elle devra consacrer l'existence des régions ou des autres formes de collectivités territoriales de la République.

Elle devra définir les conditions ou modalités du partage des compétences entre l'Etat, l'Europe fédérale et les collectivités territoriales.

Une stricte séparation des pouvoirs, impliquant la suppression symétrique de la censure et de la dissolution, ainsi que la concomitance des élections législatives, sénatoriales et présidentielles, et l'unification du pouvoir exécutif de l'Etat par suppression du poste de Premier Ministre, assureront l'instauration d'un véritable régime présidentiel.

La restauration du pouvoir législatif sera favorisée par une maîtrise totale de son ordre du jour par le Parlement et par la levée des blocages techniques ou budgétaires qui pèsent aujourd'hui sur le vote parlementaire.

L'initiative législative pourra, pour sa part, être partagée entre le Parlement (propositions), le Gouvernement (projets), le Conseil Economique et Social (résolutions) et les citoyens (pétitions).

Le contrôle de constitutionnalité devra être assoupli pour le Parlement (30 signatures de parlementaires des deux assemblées) et ouvert aux citoyens (par voie de pétition a priori et par la procédure d'exception a posteriori). L'indiscutable indépendance du Conseil Constitutionnel devra elle-même être assurée par la révision du mode de désignation de ses membres.

Le mode d'élection des deux assemblées devra être rééquilibré : le corps électoral du Sénat devra être élargi pour rendre compte de la démographie et les sénateurs seront tous élus au scrutin proportionnel ; à ces conditions, l'Assemblée Nationale demeurera élue au scrutin majoritaire dans les circonscriptions actuelles, sous réserve des ajustements démographiques appropriés.

La réforme du Conseil Economique et Social démocratisera et élargira la désignation des conseillers sur la base de critères clairs et connus de tous. Les personnes privées d'activité seront représentées comme les autres catégories socio-professionnelles.

Des comités nationaux d'usagers des grands services publics (éducation, santé, justice, transports, audio-visuel, etc..) seront institués sur une base élective démocratique et associés aux grandes orientations des services.

Sous le bénéfice de ces mesures, et notamment de l'initiative législative y compris constitutionnelle et de l'extension du contrôle de constitutionnalité, il n'y a pas lieu de prévoir un élargissement du champ du référendum aux questions de société, ni la création d'un référendum d'initiative populaire, procédures qui seraient immanquablement détournées par les démagogues.

L'abaissement de l'âge du vote à 17 ans est commandé par la généralisation de l'éducation, par la démocratisation des grands débats publics, et par les progrès de la communication ; il est justifié, on l'a dit, par le souci de responsabilisation des jeunes citoyens ; il peut être, dans un premier temps, expérimenté pour les élections locales.

Ce vaste chantier vise ainsi à la définition d'un cadre institutionnel largement rénové, celui d'une République modernisée. Le projet de Constitution de la VI° République associe étroitement liberté et responsabilité. Il représente un point d'équilibre durable entre la démocratie représentative, qui est le fondement même de notre République, et la démocratie participative qu'il convient d'encourager et dont les procédures sont encore à inventer.

Entre la nécessaire autorité des pouvoirs et l'indispensable liberté des citoyens, la VI° République propose un nouveau contrat moderne et audacieux.
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Justice, Liberté, Sureté: Une République rassurante
L'égalité républicaine consiste en l'égalité des droits et des chances de tous les citoyens, non en une égalité des situations. Elle est un principe de justice, non d'uniformité.

La justice est garante des grandes libertés publiques, qui doivent être réaffirmées et approfondies. Elle est garante aussi de la sûreté, qui doit être d'abord celle des personnes. Entre une république rassurante et un Etat sécuritaire, choisissons résolument la première. Si le principe d'autorité, légitime dans les institutions publiques, doit être proclamé sans hésitation, il faut dire aussi que, dans le contrat républicain, la légitimité de l'autorité est à l'exacte mesure de la liberté des citoyens.

Une justice indépendante, égale pour tous, respectueuse de la dignité humaine

Le Conseil Supérieur de la Magistrature doit être élu par les seuls magistrats et son Président désigné par ses membres.

Toutes les immunités judiciaires et tous les privilèges de juridiction doivent être supprimés, ce qui implique un statut pénal de droit commun pour les autorités exécutives de l'Etat et la suppression de la Cour de Justice de la République au profit d'une Chambre spécialisée de la Cour de Cassation.

La procédure pénale doit garantir la stricte égalité entre l'accusation et la défense.

Les mesures de substitution à l'emprisonnement doivent être multipliées : travaux d'intérêt général, mesures éducatives en milieu ouvert, mesures de contrôle judiciaire, suivi médico-social.

Des libertés renforcées, des libertés nouvelles

La liberté d'association politique et les conditions de l'égalité entre les partis (financement, accès aux media, traitement égal par toutes les institutions publiques) feront l'objet d'une législation particulière.

La liberté syndicale sera modernisée pour parer à la crise de représentativité. Le vote syndical obligatoire pourrait être expérimenté.

La liberté de la presse ne peut plus s'accommoder d'une concurrence purement économique qui la nie quotidiennement. D'autres voies devront être explorées : limitation renforcée des concentrations, prohibition de la participation des concessionnaires de services publics et des titulaires de marchés publics au capital des entreprises de presse, entrée aux conseils d'administration des représentants de lecteurs et d'auditeurs.

La libre disposition de son corps par chaque individu fait partie du droit à la sûreté. Elle englobe le droit à l'information totale sur sa propre santé, l'élaboration d'un code éthique des biotechnologies et de leur application à la médecine.

La garantie des droits et des libertés à l'encontre de pratiques discriminatoires doit être renforcée. Devrait être en particulier créé un délit d'homophobie, la pratique de l'outing devant être par ailleurs proscrite, nul n'étant fondé à révéler l'orientation sexuelle d'un citoyen sans son consentement, sauf cas de crime (pédophilie, viol, etc..).

La sûreté publique au plus près des citoyens

Des comités de la sûreté civique sont à créer pour chaque ville, pour chaque arrondissement dans les métropoles et pour chaque canton en milieu rural. Associant les élus locaux, les forces de sécurité et les associations de proximité, ils feront l'inventaire permanent des questions de sécurité et des moyens de prévention de la délinquance. Ils adresseront un rapport annuel au représentant de l'Etat dans leur circonscription. Ils auront un représentant permanent, assermenté comme médiateur, dans tous les locaux de police.

Des médiateurs locaux assermentés et rémunérés par le Ministère de la Justice pourront constater les atteintes mineures aux biens et, lorsque les auteurs en seront inconnus, proposer une indemnisation par l'Etat. La procédure de constatation et d'indemnisation sera civile.

La dépénalisation de l'usage et la législation contrôlée des drogues douces, à mi-chemin entre un prohibitionnisme en échec total et une libéralisation sans règle et irresponsable, contribuera à diminuer la délinquance par le tarissement financier de l'économie clandestine de la drogue. A ces conditions, l'arsenal répressif actuel, particulièrement l'ordonnance de 1945 sur les mineurs, n'a nul besoin d'être renforcé.
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Une économie au service de l'homme
La croissance économique a longtemps été perçue comme une sorte -d'indice du bonheur partageable-. Il est vrai que dans les années -glorieuses- après la seconde guerre mondiale, jusqu'au début des années 1970, le boom économique a pu partiellement, justifier cette idée. A l'Ouest, le capitalisme a su négocier, sous la pression sociale, syndicale, une répartition suffisamment prudente de certaines richesses pour que chacun en profite peu ou prou.

Depuis 1973, la croissance malmenée n'apparaît plus comme suffisante pour être un facteur de bien-être pour tous les individus des pays avancés. Les inégalités se sont accrues au Nord et creusées entre le Nord et le Sud. Les opinions ont pris conscience d'une mauvaise gestion de la planète : utilisation absurde et souvent destructrice des ressources naturelles, pollution des espaces naturels ou des milieux urbains.

Et pourtant, les Etats comme les entreprises persistent à mesurer la croissance de façon traditionnelle, en termes de Produit Intérieur Brut, d'indices de production marchandes, de commerce extérieur et, bien sûr, d'indices financiers. Aujourd'hui, une telle approche est devenue notoirement insuffisante. Le PNUD, la Commission Européenne et même des organisations d'entrepreneurs ont suggéré, chacun à sa façon, d'autres approches.

La croissance soit désormais être mesurée en termes de progrès humains, sociaux et environnementaux? autant qu'en termes économiques et financiers. La croissance à dimensions humaine, sociale et environnementale exige l'intervention d'acteurs multiples, jouant des rôles complémentaires. Ils peuvent être regroupés en quatre pôles : les entreprises privées, l'économie sociale, le secteur public, les collectivités territoriales.

Les entreprises privées

Les entreprises privées traditionnelles sont les animateurs essentiels de l'activité économique. Ce premier pôle d'acteurs économiques comprend à la fois des Très Petites Entreprises (TPE), des Petites et Moyennes Entreprises (PME), et des grandes entreprises européennes et multinationales.

Faciliter la création et l'activité des petites et moyennes entreprises

Les TPE et PME, d'abord, méritent une attention particulière, étant une des principales sources de richesses et d'emplois. Un certain nombre de mesures doivent être prises pour faciliter la naissance, le développement et la transmission de ce type d'entreprises.

Il s'agira de faire en sorte que :

- au plan juridique, la responsabilité de l'exploitant soit toujours limitée aux biens professionnels ;
- au plan fiscal, l'exploitant ne soit pas imposé sur les sommes réinvesties ;
- au plan des capitaux, les interventions d'investisseurs et de sociétés de capital-risque soient rendues plus aisées, y compris dans le cas des TPE ;
- au plan du soutien à la création, soient créés de nouveaux services d'aide à la création d'entreprises (maisons de services publics dans les quartiers urbains, par exemple) et prévues de nouvelles mesures d'aide et de facilitation.
- au plan du développement et de la transmission, soient créés des fonds décentralisés de développement et de transmission des TPE et PME.

Un Ministère plein des TPME, du Commerce de l'Artisanat et du Développement local devra, en liaison avec la Banque de France, la Banque de Développement des PME, la Caisse des Dépôts, l'ANVAR, coordonner et amplifier les interventions, en direction de ce type d'entreprises.

Mieux préserver les entreprises, le marché et les salariés des abus de pratiques dominantes

Les entreprises de taille supérieure devront, pour leur part, être libérées de certaines pressions concurrentielles ou financières abusives. En matière de droit de la concurrence, par exemple, on voit bien que la constitution de très grands ensembles, de véritables oligopoles fausse le jeu du marché. Il faut donc éviter que se constituent en France et au sein de l'Union Européenne, des abus de pratiques dominantes, auxquels s'ajoutent souvent des drames sociaux.

Envisageons donc de :

- mieux protéger les entreprises et le marché lui-même, non pas contre toute possibilité de fusion-acquisition, mais contre toute mainmise inamicale, contre tout risque de constitution d'ensembles trop réducteurs de la concurrence et, au passage, destructeurs d'emplois : de nouvelles dispositions communautaires devront être en ce sens proposées par le Gouvernement français.
- rechercher l'institution d'un dialogue permanent entre les entreprises européennes et multinationales, d'une part avec la Commission Européenne, d'autre part avec les instances internationales, de façon à ce que de nouvelles voies de régulation soient explorées. Le monde syndical devra être associé à de telles discussions.

L'économie sociale

L'Economie Sociale constitue un deuxième pôle important d'activité et de régulation économiques, un pôle solidaire et démocratique, co-acteur du marché et des secteurs non-marchands.

Selon ses principes fondateurs et sa pratique, c'est un pôle régulateur naturel : démocratie interne, non-recherche du cumul de profit à titre individuel, solidarité, recherche du meilleur rapport qualité-prix. Sociétés de personnes, fondées sur un système original de patrimoine de type collectif, ne pouvant faire l'objet d'OPA, les coopératives et les mutuelles sont, avec les associations, des pôles de stabilité indispensables à l'économie française (et européenne).

L'Economie Sociale dresse d'indispensables ponts entre les secteurs marchand et non-marchand, entre nouvelles demandes et nouvelles offres à caractère sociétal, entre acteurs émergents (économie solidaire, initiatives locales?) et acteurs installés.

Il conviendra :

- d'élaborer une législation spécifique assurant une meilleure reconnaissance des groupements de personnes (coopératives, mutuelles et associations) tant au plan national qu'Européen
- de donner des moyens plus importants aux outils de capital-risque du secteur
- de faciliter le développement et la circulation de produits financiers éthiques et sociaux, visant à réorienter l'épargne vers la création d'activités porteuses d'emplois, d'innovations sociales et environnementales
- de poursuivre la modernisation et la clarification des modes de partenariat entre les associations, l'Etat, les collectivités territoriales, etc.
- d'encourager la création d'entreprises participatives de type SCOP, SCIC, Coopératives d'activités.

Dans les domaines des services à la personne qui correspondent à des besoins croissants, l'Etat doit encourager le rôle de l'Economie Sociale en créant un système de bonification du Titre Emploi Service, en particulier lorsque celui-ci répond à d'importants besoins sociaux (handicap lourd, par exemple) et en étendant le champ d'application du Titre Emploi Services à de nouveaux domaines (habitat social, services de types culturels et de formation).

Le secteur public

Le troisième pôle d'acteurs économiques est celui du secteur public, pôle régulateur central, en voie de transformation, nécessaire à la vie sociale, garant actif de l'intérêt général, au sein d'une économie nationale de plus en plus ouverte.

La réactivation du service public dans des domaines sociétaux primordiaux, comme ceux de l'éducation, de la santé, des retraite ou de l'habitat social est une nécessité.

Le secteur public doit être soutenu :

- En donnant aux entreprises publiques des moyens de se financer et de se grouper, en France et en Europe entre entreprises homologues sans avoir recours systématiquement à la privatisation ;
- En réformant la loi sur les titres participatifs, afin d'en créer une catégorie adaptée aux seules entreprises publiques, pouvant donner lieu à des droits de vote, ne mettant pas en cause la propriété publique de l'entreprise ;
- En permettant aux véhicules financiers (FCP, SICAV, etc.) d'inclure une part plus grande de ces titres dans leur portefeuille ;
- En créant un droit des groupes des entreprises publiques et semi-publiques, en France et en Europe;
- En instaurant des systèmes de contrats pluriannuels entre l'Etat et les entreprises publiques ou semi-publiques, visant à donner plus d'autonomie à celles-ci.

La notion de service public doit être revalorisée.

Il faut de ce point de vue :

- faire reconnaître en Europe comme en France, que les services publics ou d'intérêt général sont un élément fondamental de la cohésion sociale et territoriale ainsi que de la citoyenneté ;
- refuser les privatisations et démantèlements mettant en cause cette cohésion, refuser l'affaiblissement des services publics de transports, de la poste, des énergies (électricité, gaz, eau ?), d'éducation et de santé.
- établir une évaluation des services publics, tenant compte à la fois des éléments de rentabilité économique directe, valables pour toute « entreprise » et des éléments de rentabilité sociale et civique. On a, par exemple, trop tendance à oublier le coût social, civique et au bout du compte économique de la désertification de zones rurales, de montagne ou du sous-équipement de quartiers en difficulté, dû à la fermeture de services publics comme La Poste, l'abandon de lignes de chemins de fer, etc.
- obtenir une extension de la notion de service public au sein de l'Union Européenne. Il y a lieu d'intégrer au Traité CE la Charte des Services d'Intérêt Général, présentée par la Confédération Européenne des Syndicats (CES) et le Centre Européen des Entreprises à Participation Publique (CEEP).

Les collectivités territoriales

Le quatrième pôle d'acteurs économiques est territorial. Les communautés (agglomérations, urbaines, de communes), les départements, les régions, mais aussi les pays jouent un rôle croissant, en matière de développement économique, social et d'aménagement des espaces. Depuis les lois de décentralisation des années 1980 s'est constitué en France un pôle de mobilisation des forces et initiatives locales, venant faire contrepoids à l'Etat, mais aussi à la mondialisation ? globalisation. Il favorise la création de nouvelles racines territoriales, l'émergence d'un espace économique résidentiel, permettant aux individus, aux associations, aux entreprises, aux côtés des villes, des communautés, des autres collectivités, d'organiser localement de nouvelles relations humaines, sociales, culturelles, économiques et technologiques.

Une véritable libération des énergies et du dynamisme économique des collectivités territoriales, notamment par le développement de leurs compétences propres en ce domaine, est désormais nécessaire.

Il est indispensable que les collectivités locales et régionales jouent un rôle plus important dans l'animation de la vie économique locale, qu'elles prennent toute leur part dans la compétition économique entre les territoires européens et mondiaux. Il faut désormais qu'une place centrale soit reconnue aux régions dans la définition et la gestion des programmes économiques et sociaux territorialisés (plans Etat-régions, DOCUP) ; que les collectivités territoriales puissent disposer de la capacité, notamment en matière fiscale, de définir et mettre en oeuvre de véritables politiques publiques locales de développement ; qu'elles puissent intervenir directement ou indirectement dans la création d'entreprises.

Une accélération de la mise en application de la Charte de Développement Durable et des Conseils de Développement des Pays est éminemment souhaitable.

Afin de mesurer l'efficacité économique, sociale, environnementale de ces quatre pôles, il apparaît nécessaire d'envisager :
- La création d'une Commission des évaluations sociales et éthiques (socialement responsables ; de croissance durable), indépendante, chargée non d'unifier brutalement toutes les démarches évoquées, mais, de les faire converger et plus tard, de les harmoniser.
- La prise en compte de critères sociaux et éthiques dans l'attribution de marchés publics, dans la signature de contrats entre l'Etat, les collectivités publiques, territoriales et les acteurs partenaires, dont, bien sûr, les associations.
- La prise en compte de critères de ce type dans l'attribution d'avantages fiscaux pouvant être accordés à des personnes morales, sans but lucratif, oeuvrant dans l'intérêt social général.
- Une nouvelle contractualisation des rapports entre les acteurs des champs économiques et sociaux, le législateur fixant les règles générales protectrices des droits essentiels des acteurs, en particulier des salariés et des entrepreneurs individuels.
- Une nouvelle politique de prévision et d'alerte pour les entreprises. Il s'agit de mettre en place des systèmes collectifs, permettant aux entrepreneurs, comme à leurs partenaires syndicaux de faire appel à des outils d'information et de prévision, leur permettant de mieux prévenir les accidents économiques et financiers.
- Une réforme du Plan. Il doit être plus démocratique, plus décentralisé, et devenir un véritable outil de prospective.
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Les grands chantiers de la réforme fiscale
Le système français de prélèvements obligatoires doit être profondément réformé. Portant la marque d'un modèle politique et social privilégiant l'Etat-Nation, il néglige la dimension internationale des activités économiques, ne prend pas suffisamment en compte l'appartenance de la France à l'Union Européenne, ne laisse pas de place au développement des politiques territoriales. Imprégné d'une histoire sociale dans laquelle la protection contre les risques sociaux a été conquise au terme de conflits opposant patrons et ouvriers, il fait peser une part excessive du financement de cette protection, qu'elle soit à la charge des employeurs ou des employés, sur le travail salarié, au risque de pénaliser l'emploi. Eloignée des principes qui en fondent la légitimité, complexe dans son architecture, désuète dans ses modalités de mise en oeuvre, la fiscalité des revenus est le reflet le plus manifeste de l'état de crise qui caractérise le système fiscal français.

La vaste réforme fiscale nécessaire à l'adaptation de la France aux défis du nouveau siècle doit comporter les quatre grands chantiers suivants :

Le financement de la protection sociale : poursuite de la fiscalisation

La France est souvent regardée comme un pays à forte fiscalité. Cette opinion n'est fondée que si l'on prend en compte, à côté des impôts proprement dits, les cotisations sociales ou autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale, qui sont les plus élevés du monde, et les seuls et vrais responsables d'un niveau général de pression fiscale situant la France au-dessus de la moyenne européenne. Un effort de rationalisation dans la gestion de notre système de financement de la protection sociale est indispensable. Des choix doivent être faits, par ailleurs, en vue de ne pas alourdir les charges du budget social de la Nation. Il est préférable de financer l'activité, génératrice de recettes, que l'inactivité, génératrice de coûts. La politique de réduction du temps de travail ne doit pas être une charge supplémentaire pour les budgets sociaux.

Le mode actuel de financement de la protection sociale doit être en outre révisé. Il fait encore peser une charge excessive sur le travail, et pénalise l'emploi, en incitant les entreprises à privilégier l'investissement technique.

Le mouvement de fiscalisation du financement de la protection sociale engagé avec la création de la CSG, substituée aux cotisations d'assurance maladie, doit être prolongé. D'abord, pour la part du financement revenant aux particuliers, salariés ou travailleurs indépendants ; ensuite, pour la part du même financement revenant aux entreprises. L'assiette des cotisations sociales patronales doit être constituée, non plus par la masse salariale versée, mais par la valeur ajoutée comptable de l'entreprise, de façon à alléger la pression fiscale sur le facteur de production que constitue le travail salarié.

La fiscalité directe des ménages : pour un grand impôt personnel sur le revenu

L'imposition des revenus est aujourd'hui formée de l'assemblage hétéroclite d'un impôt progressif, l'impôt sur le revenu, qui a perdu toute cohérence interne, et de prélèvements proportionnels (CSG, CRDS, contributions sociales), auxquels il convient d'ajouter des cotisations sociales qui comportent un élément de dégressivité.

Ce système doit être simplifié et modernisé. Il doit retrouver cohérence et légitimité. Ces objectifs passent par la suppression de l'IR, de la CSG, de la CDRS, des contributions sociales, et de certaines cotisations sociales obligatoires, et leur remplacement par un grand impôt personnel unique et progressif.

La progressivité, conforme aux principes d'une fiscalité républicaine, est indispensable à l'égalisation du sacrifice fiscal. Elle ne doit pas pour autant décourager l'effort et l'initiative, et doit donc s'accompagner de la fixation de taux modérés, y compris le taux marginal supérieur. L'élargissement de l'assiette taxable, par suppression de dépenses fiscales inutiles, par alignement des conditions de taxation des revenus du travail et des revenus du capital, par incorporation dans le barème des réfactions forfaitaires, peut permettre un abaissement des taux, et la fixation de ceux-ci à un niveau satisfaisant, sur le terrain des comparaisons internationales.

L'impôt personnel doit atteindre l'enrichissement net annuel du contribuable, toutes sources de revenus confondues, et toutes compensations entre gains et pertes opérées. Bien entendu, le poids de l'impôt personnel doit être ajusté en fonction des charges de famille.

L'impôt personnel appliqué aux revenus salariaux doit être retenu à la source, ainsi qu'il est pratiqué dans tous les pays du monde, sauf la France.

La fiscalité des entreprises : pour un impôt mondial sur les sociétés

Archaïsme caractéristique de notre fiscalité, les sociétés françaises sont imposées à l'impôt sur les sociétés sur la base du vieux principe territorial : les bénéfices extérieurs ne sont pas imposables ; les charges ou pertes des implantations hors de France ne sont pas déductibles. A l'heure du marché intérieur européen et de la mondialisation, ce régime n'est plus acceptable. L'impôt français sur les sociétés doit atteindre leur résultat mondial, résultats positifs et négatifs internes et externes compensés.

Dans le cas des groupes de sociétés, l'impôt sur les sociétés doit atteindre le bénéfice mondial et consolidé du groupe, par prise en compte des résultats des filiales.

Dans une étape ultérieure de réformes fiscales, impliquant une avancée dans la coopération internationale, la répartition de la base taxable des groupes internationaux entre les juridictions fiscales, dont la France, devra s'opérer sur la base de critères objectifs, et non plus par recours à l'artifice d'une évaluation des résultats des opérations intra-groupes fondée sur le principe de pleine concurrence.

L'harmonisation des règles d'assiette de l'imposition des bénéfices des sociétés au sein de l'Union Européenne doit être vivement encouragée.

La fiscalité des collectivités territoriales : l'adaptation par le transfert de compétence

Le dispositif actuel de fiscalité locale, hérité du modèle jacobin d'imposition directe, ne permet pas l'indispensable épanouissement des politiques de développement territorial. Il convient d'en étudier l'adaptation, en liaison avec une réforme d'ensemble de l'Etat, restituant aux collectivités territoriales, dans certains domaines, des marges de libre détermination des règles applicables au sein de leur espace particulier.

L'objectif de développement territorial justifie la mise à disposition des collectivités régionales et locales d'une proportion de ressources propres, notamment fiscales, plus importante. Il pourra également justifier le transfert par le législateur national aux organes élus des collectivités territoriales d'une compétence normative en matière fiscale, permettant la définition, comme c'est la pratique dans de nombreux pays membres de l'Union Européenne, de régimes fiscaux locaux adaptés aux besoins de développement propres à chaque territoire. Ainsi, l'application uniforme, partout en France, sous le seul correctif des taux, d'un impôt tel que la taxe professionnelle n'est pas une réponse satisfaisante à l'exigence de compétitivité des territoires.

Une vaste conférence pour la réforme fiscale locale doit rassembler tous les acteurs concernés, et préparer la voie à une nouvelle répartition des compétences fiscales entre l'Etat, les régions, les départements et les communes ou regroupements de communes. L'indispensable réforme de la fiscalité locale, cependant, doit être abordée dans le souci de la dynamique territoriale, impliquant la définition de politiques fiscales locales, mais aussi dans celui de la solidarité entre les collectivités, y compris au sein d'une même région ou d'un même département. Un principe général de péréquation doit être retenu, permettant l'exercice de la solidarité, par l'affectation aux collectivités les moins favorisées, sur la base de critères objectifs, et dans une proportion de l'ordre de 110/90, d'une part des recettes prélevées par les plus favorisées.
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Education, Santé, Emploi, Retraites, Familles, Logement
Des politiques de solidarité et de cohésion sociale

Education et formation à toutes les étapes de la vie

Les principes sur lesquels a reposé la grande oeuvre éducative républicaine, en particulier le principe de laïcité, doivent inspirer un nouvel élan, en vue de répondre à de nouveaux besoins de formation, qui se manifestent désormais à toutes les étapes de la vie.

Petite enfance : une pédagogie de l'éveil

Il existe une pédagogie de l'éveil. La période de 3-6 mois à 3 ans est sans doute la plus importante de la vie du point de vue psychologique. Les enfants scolarisés dès cet âge accueillent beaucoup mieux, par la suite, les inévitables contraintes de la vie en société. C'est à la crèche que l'on apprend à respecter la maîtresse, à partager avec ses camarades.

Plutôt que de favoriser un « salaire parental » qui éloigne les femmes de l'activité économique et isole les enfants, il faut promouvoir un système exemplaire de crèches, permettant d'accueillir les jeunes enfants, dans les villes comme dans les campagnes. Les communes doivent être aidées autant qu'il est nécessaire, en vue d'un fort développement des places en crèche, l'objectif devant être de faire pour les crèches, qui sont la première école de la vie, ce qui a été fait pour les écoles maternelles. Des places en crèche doivent être offertes à toutes les familles qui le souhaitent. Les crèches doivent être gratuites.

Pour les familles qui préfèreraient l'accueil des tout jeunes enfants au foyer, un statut de la nourrice doit être défini, afin de favoriser ce type de services de proximité.

Autour des crèches doivent être créées, y compris en zone rurale et dans les villes moyennes, des « maisons de la petite enfance », où pourront se rencontrer et s'épauler les enseignants de l'école maternelle, le personnel des crèches et les « nourrices » à domicile.

Le modèle français de l'école maternelle doit être vigoureusement soutenu ; dès deux ans et demi, s'ils le peuvent, les jeunes enfants devront y avoir accès.

Enseignement primaire et second degré : responsabilité, garantie d'équivalence des formations, libertés d'adaptation, association de tous les acteurs.

- La responsabilité des chefs d'établissement doit être renforcée, en particulier dans le domaine de la gestion des personnels. Le contrat entre l'enseignant (ou le personnel administratif et technique) et l'Etat doit s'accompagner d'un engagement vis-à-vis du chef d'établissement, afin que soient mieux précisés les contours de postes, que soient fidélisées les équipes pédagogiques, que soient mieux évalués les résultats.
- L'acquisition des savoirs fondamentaux, sans bachotage intensif, doit être assurée dans les collèges. La partie principale des programmes doit être définie au niveau national, afin d'assurer l'équivalence des formations, mais se trouver assortie d'une plage de liberté, dont le contenu devra faire intervenir, à la fois, des délibérations régionales, le choix des élèves (second degré) ou de leurs parents (primaire), et l'initiative des équipes pédagogiques travaillant en liaison avec les chefs d'établissement. Ainsi pourront être favorisées l'étude de langues régionales, de langues familiales, d'éléments particuliers de culture, comme de langues étrangères supplémentaires ou de langages scientifiques ou techniques, ou encore l'apprentissage de disciplines artistiques ou sportives diversifiées.
- La définition de la partie adaptée des programmes de formation peut être ainsi l'occasion d'une action concertée des « communautés éducatives de responsabilité » dont il convient de favoriser l'émergence, et qui, associant élus locaux, parents d'élèves, enseignants, élèves eux-mêmes, peut constituer un élément de réponse à la crise de confiance sociale que nous traversons.

Enseignement professionnel et technique : la nécessaire revalorisation

Il faut redonner ses lettres de noblesse à l'enseignement professionnel et technique. Les priorités de l'action publique en matière de formation et d'éducation ne doivent pas conduire à systématiquement privilégier les enfants des classes moyennes et supérieures, au détriment des enfants des milieux populaires, ceux des banlieues urbaines comme ceux des zones rurales. La carte scolaire de l'enseignement professionnel et technique doit être revue pour favoriser la cohésion sociale et territoriale.

Enseignement supérieur et recherche : la démocratisation

L'action publique doit, ici, favoriser le développement des Universités, lieux ouverts d'apprentissage critique des savoirs, plutôt que celui des grandes écoles élitistes, qui privilégient l'apprentissage des pouvoirs.

Enseignement supérieur et recherche ne doivent pas être séparés.

L'ouverture des Universités à toutes les catégories sociales doit être favorisée par l'adoption du revenu minimum étudiant.

Formation continue : le droit à la formation tout au long de la vie

Au droit à la formation permanente établi il y a une trentaine d'années doit se substituer un droit à l'éducation tout au long de la vie. Chacun doit en effet recevoir les moyens permanents d'adaptation aux évolutions économiques et sociales, aux progrès technologiques, aux nouveaux modes de communication. Une nouvelle étape devra être franchie en ce sens tant d'un point de vue budgétaire que législatif. Les différentes institutions d'éducation et de formation devront participer à cet effort. En particulier, une plus large place devra être faite dans les Universités, y compris pendant les mois estivaux, aux actions de formation continue et d'adaptation des publics de tous âges.

Valoriser les politiques et les professions de la santé

Pour des politiques de santé

Il est temps de privilégier les politiques de la santé et non celles de la maladie. Cette orientation générale conduit notamment à :

- Instaurer une véritable politique de prévention et d'éducation à l'hygiène publique. L'hygiène, cela s'apprend à l'école. La prévention de l'asthme, de l'obésité et de l'anorexie des enfants doit être une priorité des médecins scolaires. La pratique du tabagisme doit être systématiquement découragée.
- Soutenir les mesures de planning familial et continuer à faire connaître les méthodes de contraception. Il y a encore trop d'avortements dus seulement à une méconnaissance de ces techniques.
- Soutenir l'activité des centres PMI qui sont parfois les seules structures de soutien aux mères de familles.
- Renforcer le rôle du médecin scolaire qui est souvent le seul interlocuteur médical pour certaines familles en difficulté.
-Renforcer le rôle du médecin du travail en donnant plus de poids aux Commissions Hygiène et Sécurité
-Soutenir la recherche et la prévention des maladies infectieuses (conventionnelles ou non) en augmentant les fonds aux associations de recherche et de malades du SIDA et du prion, mieux assurer la sécurité transfusionnelle.
- Soutenir le développement et l'utilisation des traitements antidouleur.
- Promouvoir toutes les initiatives pour la prévention du suicide.
- Soutenir le développement de certaines innovations technologiques comme le pacemaker cérébral pour les parkinsoniens.
- Développer l'hospitalisation à domicile en soutenant la télésurveillance des malades.
- Développer la gériatrie et tous les services d'aides aux personnes âgées, renforcer le contrôle des maisons de retraite médicalisées ou non.
- Interdire la prostitution des mineurs, instaurer un contrôle médical des prostitué(e)s en exercice, interdire l'exercice des prostitué(e)s malades et les soigner, c'est à dire leur assurer une couverture sociale santé.

Pour une revalorisation des professions de santé

Il est par ailleurs indispensable:
- de revaloriser les statuts et d'améliorer les conditions de travail des personnels hospitaliers,
- d'augmenter les tarifs des médecins généralistes référents, qui ont signé un engagement de maîtrise des dépenses de santé, à 20 euros la consultation et 30 euros la visite,
- de revaloriser les statuts et les salaires des autres professions médicales dès lors que ces augmentations seront intégrées dans un contrat de "bonnes pratiques médicales et paramédicales",
- de soutenir l'activité des médecins dans les zones difficiles ou les régions sous-médicalisées en offrant des primes d'exercice.

La maîtrise des coûts et la rationalisation nécessaire de la gestion des politiques de santé publique supposent notamment :

- la création, dans le cadre de la CNAM, d'une comptabilité analytique de tous les services intervenant dans le système de santé,
- le développement du système Carte Vitale,
- le soutien à la vente des médicaments génériques, la suppression de la liste des médicaments remboursables d'un certain nombre de médicaments sans intérêt,
- le développement du tourisme médical, susceptible d'attirer vers le système français de santé une clientèle de malades solvables étrangers, - la fiscalisation de l'assurance maladie.

Le renforcement de la place de la France sur le marché mondial des produits pharmaceutiques devra être favorisée par la création d'un Institut National de Recherche Pharmaceutique.

Emploi, Retraites : les grandes orientations

Emploi : préparer l'avenir, répondre aux urgences du présent

Dans un avenir relativement proche, l'emploi salarié cessera d'être, comme il l'est aujourd'hui, l'occupation à peu près exclusive de la plupart des personnes actives. Dans la vie de chaque individu se succèderont des périodes d'activité salariée, des périodes de formation, des périodes de temps libre, pouvant être consacrées à des occupations d'intérêt général ou social. Nous devons préparer l'avènement d'une société où la notion d'activité sera substituée à celle d'emploi, en particulier d'emploi salarié dépendant. Cette préparation requiert par exemple l'établissement d'un lien entre le RMI et un contrat d'activités, pouvant recouvrir une formation, ou une activité d'intérêt général ou social.

Dans l'immédiat, le chômage et l'inactivité doivent être combattus avec détermination. Les emplois-jeunes, visant à favoriser le développement des nouveaux services d'intérêt général dont la population a besoin et que le marché n'est pas encore en mesure de prendre en charge, doivent être développés, et étendus aux TPE et PME innovantes, sur le plan technologique ou social. Une aide publique doit être accordée aux entreprises développant l'emploi des jeunes par mise à temps partiel de salariés en fin d'activité et consacrant, par tutoirat, une part de leur temps de présence à la transmission des savoirs professionnels.

La relance de l'emploi suppose également un allègement de la charge fiscale et sociale globale pesant sur le facteur de production travail, et son report partiel vers d'autres assiettes, en particulier le capital financier et technique. Tel est le sens de la fiscalisation du financement de la protection sociale.

Retraites : les trois niveaux de la garantie

En ce qui concerne la question des retraites et de leur financement, les données statistiques sur la vie active imposent une réforme. L'opposition entre le tout-répartition et le tout-assurance est excessivement dogmatique. Il faut envisager un système de financement des retraites à trois niveaux :

Le premier niveau est celui de la sécurité. Tout individu doit disposer, à l'âge de la retraite, d'un revenu minimum au moins égal au SMIC. En tant que de besoin, ce revenu minimum garantie sera financé par l'impôt.

Le deuxième niveau est celui de la solidarité. Il est le coeur du système des retraites, et doit continuer de reposer sur la répartition.

Au-delà d'un certain niveau de pensions de retraite (trois ou quatre fois le SMIC, en fonction des contraintes de financement), les compléments le cas échéant recherchés relèvent de la responsabilité individuelle. Ces compléments doivent être financés par la capitalisation. A cette fin, devront être prévus des dispositifs de soutien fiscal à la constitution d'épargne-retraite comparables à celui qui est en vigueur pour la fonction publique.

Familles : les éléments d'une politique de solidarité

Une politique en faveur des handicapés

Il n'est pas juste que les excédents de la branche famille n'aient jamais été utilisés pour l'amélioration de la condition de vie des handicapés. Une politique familiale intégrant l'objectif de solidarité doit s'attacher à l'amélioration du sort des handicapés. Un statut de la personne handicapée doit lui reconnaître :

- le droit d'accès à la culture, aux sports, aux loisirs, et au travail,
- le droit à la sécurité par la prévention, la répression et la réparation des actes de malveillance,
- le bénéfice de mesures telles que :
* scolarisation de tous les enfants et adolescents handicapés impliquant le recrutement du personnel enseignant suffisant;
* création du nombre de places nécessaires à l'accueil des personnes gravement handicapées;
* augmentation du nombre de places de travail protégé pour les handicapés mentaux;
* adaptation des budgets aux besoins de tous les centres pour handicapés;
* meilleure répartition des structures d'accueil sur l'ensemble du territoire (métropole et DOM-TOM);
* formation du personnel médical et paramédical dans des domaines qui paraissent délaissés: la douleur, le suicide et le handicap.

La revalorisation des prestations familiales et des aides à l'action sociale pour les familles qui en ont le plus besoin

L'aménagement du principe d'universalité des allocations familiales, pouvant conduire à une limitation des prestations en ce qui concerne les familles à hauts revenus, est légitime, dès lors qu'il peut faciliter le financement de tous les aspects prioritaires d'une politique familiale de solidarité et de cohésion sociales : maternités, enfants, crèches, logement, vacances.

Des mesures pour une politique familiale d'égalité, de solidarité et de cohésion sociales

Il est impératif de favoriser :
- des congés maternité longs (6 mois) dès le premier enfant associés à un réel congé de paternité (un mois). Ces congés maternels pourraient être facultatifs à partir du 3ème mois afin de ne pas pénaliser les femmes qui souhaitent ne pas perdre le contact avec leur entreprise ;
- la garantie par les entreprises de la possibilité, pour leurs employés, de prendre des journées d'enfants malades, dans des conditions de rémunération à discuter ;
- une revalorisation des barèmes des prestations familiales à partir du 2ème enfant et non plus seulement à partir du 3ème enfant ;
- un fort développement du nombre de places en crèches ;
- le départ en vacances des familles dans le besoin et le soutien aux activités culturelles et sportives dans les quartiers en difficulté pendant les vacances.

Une approche globale de la question des personnes âgées

Une politique globale et cohérente pour les personnes âgées doit être mise en oeuvre, à partir d'un objectif simple : donner à la personne âgée le rôle social qu'elle peut utilement jouer.

Les trois grands axes d'une telle politique doivent être le respect de la dignité et de l'intégrité des personnes âgées, la prise en charge de la perte de l'autonomie et la participation à la vie de la cité.

Respecter la dignité et l'intégrité des personnes âgées, c'est mettre en place des mesures spécifiques qui leur permettent :

- de se déplacer en toute sécurité en rendant l'accès aux services publics plus facile,
- de signaler tout problème, notamment de santé ou de sécurité, par un système de télésurveillance,
- de renforcer la pénalisation des actes de maltraitance à leur égard.

La prise en charge de la perte de l'autonomie a fait un pas en avant avec la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui permet de recevoir une aide adaptée au handicap sans retenue sur le patrimoine de la personne. Cette mesure doit être suivie par un accroissement de la formation du personnel médical et paramédical à l'univers gériatrique. Il faut développer l'offre de soins en faveur des personnes âgées. L'augmentation de l'espérance de vie pose également de nouveaux problèmes notamment à cause du nombre croissant de cas de maladie d'Alzheimer et de maladie de Parkinson. Notre société doit mettre l'accent sur la recherche concernant les maladies neurodégénératives, dans l'espoir que prochainement des traitements ou des vaccins pourront être disponibles pour permettre aux personnes âgées de mieux vieillir. Pour les malades atteints de ces affections, il faudra construire des établissements ou des services spécialisés.

La participation des personnes âgées à la vie de la cité : Trop souvent, les personnes âgées souffrent d'isolement, de solitude, d'inutilité, alors que la société a besoin d'elles. Une solidarité moderne implique la mise en place de crèches mixtes pouvant accueillir à la fois les personnes âgées et les jeunes enfants ; cette mixité permettra aux personnes âgées de retrouver une activité sociale et de ressentir l'utilité de leur participation à la vie de la cité. Les personnes âgées peuvent également jouer un rôle, qu'il s'agit de favoriser, en matière de soutien scolaire. S'agissant de la création d'entreprises, ou de l'apprentissage de métiers et de techniques, les retraités disposent d'une expérience humaine et professionnelle qui mériterait d'être davantage mise à profit, en faveur des jeunes en quête d'emploi, de formation, ou d'initiatives. La mise en place de passerelles entre les générations est un impératif d'humanisme, de fraternité et de cohésion sociale.

Logement : priorité à l'objectif de cohésion sociale

La politique du logement doit être réorientée autour des objectifs de solidarité, de justice et de cohésion sociales.

- Le barème des aides au logement doit être revu et prendre en compte les différences de niveaux des loyers.
- Les discriminations dans l'accès au logement, qu'elles soient fondées sur l'origine, l'âge, ou la situation économique, doivent être proscrites. Il faut aussi mettre en place les mécanismes permettant de les prévenir : Ainsi devrait-on assurer aux bailleurs une exonération fiscale et une sécurité dans le paiement des loyers s'ils acceptent de confier la gestion de leurs appartements à des sociétés HLM choisissant les locataires. Le paiement des loyers sera garanti ; en contrepartie, les loyers devront être raisonnables.
- Il n'est pas acceptable que les offices ou sociétés d'HLM expulsent les familles nécessiteuses. Ces organismes doivent au contraire louer leurs appartements aux familles qui sont véritablement dans le besoin. Le loyer des HLM doit être adapté aux ressources de la famille.
- Les activités spéculatives de certains marchands de biens doivent être soumises à contrôle, afin d'éviter les opérations de restructurations immobilières ayant pour conséquence l'éviction ou l'expulsion de locataires ou d'occupants, sans solution de relogement acceptable. Le droit de préemption des collectivités locales doit être, en de tels cas, développé et exercé. Les droits du locataire doivent être confortés, afin d'éviter les expulsions qui sont la première cause de précarité.
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Agriculture, Ruralité, Environnement: La Terre des Hommes
Agriculture : le retour à la qualité

Des politiques agricoles excessivement productivistes, appuyées sur la mécanisation et le recours systématique aux engrais chimiques, aux farines animales et autres agents dopants de la croissance naturelle, ont compromis la sécurité sanitaire et alimentaire, contribué à la dégradation de l'environnement et altéré les conditions de la vie rurale. Les hommes doivent se souvenir que l'économie, et particulièrement l'économie agricole, est à leur service.

La politique agricole française doit impérativement, désormais, privilégier des objectifs de qualité, de protection de l'environnement, de revitalisation des zones rurales.

L'installation des jeunes agriculteurs et l'emploi dans le secteur agricole doivent être plus résolument soutenus. Le recours aux engrais biologiques, plutôt que chimiques, doit être favorisé, les activités ou méthodes polluantes pénalisées. Les productions biologiques et les politiques de qualité doivent être encouragées.

La revitalisation des zones rurales doit être assurée par le concours d'aides communautaires, nationales et locales, coordonnées par des politiques d'aménagement du territoire accordant une priorité à la vie rurale, par le maintien d'un maillage étroit de services publics, traditionnels ou nouveaux, par des incitations à l'installation en zone rurale, au tourisme rural, à l'habitat en zone rurale.

La protection de l'environnement, objectif d'une politique pour l'homme

La protection de l'environnement ne doit pas être conçue comme une démarche de vénération pour des milieux naturels qui devraient être immuables ou figés, mais bien comme un aspect particulièrement important de la démarche humaniste. La destruction aveugle des ressources et des beautés de la nature est très généralement le fruit de comportements économiques insuffisamment maîtrisés, nocifs pour l'environnement mais, plus fondamentalement pour l'homme lui-même. Protéger l'environnement, cela veut dire assujettir le marché aux objectifs d'une politique humaniste.

La qualité de l'environnement passe notamment par une redéfinition des priorités en termes d'infrastructures industrielles et d'aménagement du territoire. Le drame de Toulouse a permis de mesurer l'ampleur des mesures à prendre pour réduire au maximum les risques industriels. Le cahier des charges de toutes les industries risquées et polluantes doit être revu à la lumière de ces récents évènements.

La conscience des risques inhérents à chaque technologie ne doit pas pour autant conduire à renoncer aux avancées du génie humain. Une poursuite raisonnée du programme nucléaire civil, qui assure à notre pays son indépendance énergétique et limite l'émission de gaz à effet de serre, peut être défendue dès lors qu'elle s'accompagne d'une vigilance accrue quant à la sécurité des installations et des populations. Les centrales doivent faire l'objet d'un renforcement de leurs protections passives. De façon générale, l'objectif de protection des populations contre le risque nucléaire, civil mais aussi militaire ou terroriste, doit être pris beaucoup plus au sérieux qu'il ne l'est.

Le développement de toutes les énergies renouvelables, particulièrement l'éolien et l'hydroélectricité, doit être vivement encouragé.

Le recours à l'électricité dans le domaine du transport doit être favorisé, dès lors qu'il permet de satisfaire les besoins de transport collectif ou individuel, qu'il serait régressif de méconnaître, tout en contribuant à réduire dans les zones urbaines les nombreuses pathologies liées à la pollution automobile. Le ferroutage, le recours à la navigation fluviale, sont, eu égard aux conséquences dramatiques de la sur-utilisation des infrastructures routières pour le transport des marchandises, d'indiscutables impératifs.

L'approvisionnement suffisant en eau de qualité, la lutte contre les nuisances sonores, justifient de fortes initiatives publiques, y compris, pour le premier objectif, à l'échelle de l'Europe toute entière.

En ce qui concerne les moyens des politiques de protection de l'environnement, y compris à l'échelle de la planète toute entière, il convient de retenir une approche pragmatique de complémentarité. La réglementation, le recours à un marché international des créances environnementales, sont des instruments utiles, au même titre que la fiscalité, dont l'objectif premier, qui est de financer les charges publiques, ne doit pas être perdu de vue. Au recours doctrinal à la taxe écologique, on préfèrera donc, ainsi que le suggère la Commission européenne, l'extension aux différentes formes d'énergie du système harmonisé de taxation déjà prévu pour les huiles minérales.
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