Jean-Michel BAYLET: Déclaration au Sénat sur la réforme des modes de scrutin

Date 4/3/2003 0:00:00
Sujet : PRG


Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers Collègues,

Comme l'ensemble des responsables des partis politiques, j'ai été invité par vous-même d'ailleurs, Monsieur le Ministre, à donner mon avis sur les projets de réforme des modes de scrutins relatifs aux élections régionales et européennes. Même si j'étais sans illusion quant à la prise en compte de positions venant de formations « hors UMP », à l'époque, je m'étais réjouis de cet appel au dialogue. Aujourd'hui, je suis profondément déçu et choqué, tant par le contenu du texte -en tous cas certaines dispositions- que par les conditions de son examen. Nous sommes vraiment bien loin de la volonté de concertation initialement affichée...

Sur la méthode tout d'abord. L'opposition aurait souhaité débattre de ce texte inique, qui, avec le fameux seuil des 10% conduit à une bipolarisation forcée de la vie politique française. Hélas, le Premier Ministre a refusé tout débat à l'Assemblée Nationale. A la suite de quoi, on a entendu parler ci et là, sur les bancs de l'UMP, de déshonneur pour le Parlement, déshonneur pour qui ? Pour la gauche qui n'a pas hésité, le 5 mai 2002, à voter pour le candidat de la droite pour défendre les libertés et honorer la démocratie. Ou pour la droite qui la remercie aujourd'hui en proposant des mesures qui balayent le pluralisme sans discussion.

L'emploi du 49-3, lorsque l'on a la majorité absolue à l'Assemblée Nationale, est une première dans l'Histoire de la Vème République. Monsieur le Ministre, le multipartisme est une tradition qui plonge ses racines dans l'Histoire de notre pays. C'est un des piliers de la démocratie en ce qu'il donne aux électeurs la possibilité de voter pour la sensibilité politique qui correspond le mieux à leurs convictions. Les Français tiennent à cette diversité et ils l'expriment à l'occasion de chaque scrutin. Les petits partis politiques ne sont pas des refuges ou des défouloirs. Ils représentent des courants d'idées à l'ancrage parfois ancien mais aux valeurs toujours d'actualité.

Certes, j'approuve votre choix tendant à instaurer, comme c'est déjà le cas pour le scrutin municipal, une prime à la liste arrivée en tête. Ceci était en effet nécessaire afin d'assurer des majorités stables et donc de donner aux exécutifs la possibilité de mettre en place des politiques efficaces. Par contre, votre proposition tendant à la nécessité d'obtenir 10% des inscrits pour figurer au second tour, va créer les conditions, comme je le regrettais au début de mon intervention, pour que seuls les représentants des grandes formations politiques puissent figurer au second tour.

Et que dire du relèvement du seuil de 3 à 5% en dessous duquel on ne peut fusionner les listes. J'ai bien entendu, comme beaucoup, les arguments de Messieurs Juppé et Douste-Blazy mais l'UMP n'est pas toute la France. Et ils sont loin d'être convaincants. Je viens d'entendre vos comparatifs, Monsieur le Ministre, et permettez-moi de dire qu'on ne peut comparer les élections au scrutin de liste proportionnel avec les élections au scrutin uninominal que sont les élections cantonales. Alors, tant qu'à vouloir empêcher la diversité de s'exprimer, pourquoi avoir maintenu un scrutin à deux tours ? Quitte à remettre en cause la loi de 99, vous auriez pu aller jusqu'au bout de votre logique en proposant un scrutin proportionnel à un tour qui oblige les partis à se fédérer dès le premier tour. D'ailleurs, le rapporteur a terminé son intervention en développant ce point de vue et en considérant que ce système électoral portait au rassemblement dès le premier tour.

Par ailleurs, concernant le problème du Front national, qui, en effet, a été la source de difficultés dans plusieurs régions, êtes-vous certains de l' écarter avec le présent projet de loi ? Très peu lorsque l'on songe au résultat atteint par Monsieur Le Pen aux dernières présidentielles. Si aucune liste n'atteint les 10% des inscrits au premier tour, l'extrême droite pourrait très bien arbitrer dans la région PACA, voire disputer en duel le second tour, en Alsace par exemple. Enfin, il faut reconnaître que les dispositions relatives aux régionales sont d'une complexité qui ne va pas rencontrer l'assentiment des électeurs. On peut même craindre, comme l'a excellemment souligné notre rapporteur, que le système de répartition des sièges donne à certaines sections départementales, pour des raisons de démographie ou de taux participation, un nombre de sièges supérieur au nombre de candidats.

Les électeurs apprécieront peu sans doute cette absence de logique qui complique un scrutin censé rapprocher les citoyens de leurs élus et qui va finalement encore accentuer l'abstention. La réforme du mode de scrutin des élections européennes, qui constitue le second grand volet du projet de loi, ne me semble pas non plus de nature à mobiliser fortement les électeurs. Ce texte, Monsieur le Ministre, reprend la proposition faite par l'ancien Premier Ministre à laquelle les radicaux étaient opposés. Nous n'allons pas changer d'avis aujourd'hui. Mais reconnaissons à Lionel Jospin d'avoir tenu compte du pluralisme et d'avoir écouté sa majorité en retirant ce texte. D'une part, dans la perspective de l'élargissement, il serait souhaitable de renforcer l'esprit européen.

La création de super-conseillers régionaux ne va pas dans ce sens. D'autre part, les élus européens siègent au sein de groupes politiques transnationaux. Ils ont donc vocation à représenter des sensibilités qui forgent leurs convictions sur des préoccupations d'ordre national et non régional. Enfin, je veux vous dire que je soutiens et mes amis radicaux aussi la volonté qu'est la vôtre de moraliser le financement de la vie politique en proposant des mesures qui me semblent adaptées.

Mes chers collègues, sur la scène internationale, le président de la République essaie, par la voie diplomatique, de faire prévaloir le droit sur la force et de démontrer qu'une vision unilatérale ne saurait prévaloir sans discussion et concertation. En revanche, dans l'hexagone, ses ministres nous imposent par la force un texte qui consacre les monopoles politiques et qui porte en germe la disparition de plusieurs courants de pensées. Dans de telles conditions, vous comprendrez, mes chers collègues, que les radicaux de gauche ne puissent suivre le gouvernement dans une telle voie.



Cet article vient de Union des Radicaux Républicains, Cercle MENDÈS FRANCE
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