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 PRG : Jean-Michel BAYLET: Allocution de clôture de l'Université d'été
        Posted by benoit on 22/9/2003 15:04:55 (1873 reads)
Mes chers amis radicaux,

Laissez-moi tout d’abord vous dire la joie que j’éprouve à vous retrouver ainsi périodiquement, pour nos grands rendez-vous et à éprouver à chaque fois cette impression riche et complexe : entre les Radicaux, membres du parti de la raison, c’est d’abord une affaire de cœur.

Quand d’autres ne se retrouvent que pour confronter leurs calculs, leurs intérêts, leurs ambitions, les radicaux, eux, même s’ils ne sont ni sans intérêts ni sans ambitions, aiment d’abord se réunir pour la chaleur, le bonheur, la confiance d’une grande famille. Merci à vous tous d’être toujours présents aux rencontres radicales.

Grâce à l’accueil de notre fédération du Var et au travail de notre administration, nous avons vécu trois belles journées de travail sérieux mais aussi d’échanges amicaux et de détente festive. Il n’était pas facile en cette arrière-saison d’organiser l’Université d’été. Le pari a été gagné et je veux féliciter tous ceux qui ont travaillé à cette réussite.

Décentralisation, Europe, laïcité, reconstruction de la gauche, nos travaux ont été studieux et féconds et je suis sûr que nous en recueillerons les fruits tout au long de la difficile année politique et électorale qui se profile.

Mais je manquerais à tous mes devoirs d’hôte si après avoir salué tous les radicaux, je ne vous invitais pas à saluer comme il se doit (c’est à dire très chaleureusement), le seul parmi nous qui ne soit pas (pas encore ?) radical, je veux parler bien sûr de mon ami, de notre ami Jean-Luc Mélenchon.

Certains diront peut-être : voilà qu’on invite un socialiste, encore un. Ils en déduiront que c’est l’éternelle alliance PRG-PS qui s’esquisse pour les élections locales ou européennes. Ils le regretteront.

Certains –et parfois les mêmes- demanderont : pourquoi inviter un représentant de l’opposition à la direction du P.S. Ils en attendront un refroidissement de nos discussions électorales avec les socialistes. Ils le redouteront.

Je vous arrête immédiatement : je n’ai pas invité Jean-Luc Mélenchon parce qu’il est socialiste, pas plus parce qu’il est opposant socialiste. Je l’ai invité à raison de la brûlante actualité d’un combat qu’il partage entièrement avec nous, à cause du dossier de la laïcité, parce qu’il aurait mérité, s’il ne s’agissait que de cela, d’être radical. (bienvenue donc à Jean-Luc Mélenchon).

Car je veux en effet vous parler de laïcité, non comme une figure imposée des réunions radicales mais comme la question principale aujourd’hui posée à notre République agressée de toutes parts, agressée par la remontée du sectarisme et de l’obscurantisme religieux, par la pensée communautariste qui veut dissimuler le lien républicain derrière l’exaltation de toutes les différences, par l’impérialisme économique qui voudrait s’imposer aux politiques, par le libéralisme sans principes qui prétend régir le monde. Oui, la laïcité est plus que jamais d’actualité.

Mais pour cette fois, nous n’avons pas nous-mêmes rouvert le débat. C’est M. Chirac qui l’a fait et il l’a fait à sa manière contradictoire, désordonnée, toute tactique croit-il, toute dominée en réalité par le double souci de donner des gages à la droite confessionnelle et de mettre en difficulté une gauche souvent divisée sur cette question.

M. Chirac peut voir comme nous que la construction progressive et souhaitable d’une France multiculturelle, multiethnique et multiconfessionnelle pose de redoutables problèmes de laïcité dès lors que certains, militants ou complaisants, voudraient voir l’unité républicaine supplantée par une mosaïque communautariste.

Il a donc imaginé de faire dire un droit moderne, nouveau mais minimal, en confiant à Bernard Stasi, le soin de recueillir, à la tête d’une commission résumant, croit-il, toutes les influences philosophiques et religieuses, les opinions des partis politiques sur la difficile question du port du voile que j’appelle, pour ma part, l’infraction permanente de l’intrusion religieuse au sein de l’école publique.

L’objectif -et c’est là qu’on se croit habile- est de faire dire par une commission indépendante ce que l’on pense de ce sujet : il faudrait abandonner l’égalité devant la loi républicaine et s’en remettre au règlement des établissements scolaires ou aux chefs d’établissement pour établir une sorte de règle de tolérance religieuse en fonction de l’environnement : on tolérerait la kipa au Lycée Charlemagne, la médaille et la croix à Janson de Sailly et le voile musulman à Montfermeil. Chaque lycée ou collège aurait sa loi, c’est à dire qu’il n’y aurait plus de loi.

Je vous le dis tout net : ce n’est pas ma conception et ce n’est pas celle que je défendrai au nom des radicaux devant la commission Stasi. Je rappellerai au contraire des règles simples, permanentes, et qui constituent l’essentiel républicain :

1° - la laïcité est le principe central qui doit garantir l’absolue neutralité des institutions publiques à l’égard des influences confessionnelles, économiques ou partisanes. C’est un rempart.

2° - parce que l’école publique est le lieu privilégié de l’éveil de consciences libres elle doit être spécialement protégée de ces influences. C’est le synonyme de la liberté.

3° - parce que l’école libre est précisément l’école de la République, et elle seule, elle ne peut devenir le plus petit dénominateur commun des groupes, des factions, des intérêts, des communautés qui voudraient s’y imposer. C’est un sanctuaire républicain.

4° - il suit de là qu’aucun -je dis bien aucun- signe d’ostentation religieuse ne doit être toléré à l’école, n’en déplaise aux pseudo-modernes qui s’accommoderaient d’un concours d’obscurantisme dans l’école des lumières. C’est la loi. Et la loi ne doit pas opposer sa propre faiblesse aux intolérances pour une fois coalisées.

Voilà ma conception et je vous propose de la porter avec fierté : oui, les radicaux sont des laïques intransigeants.

Je sais bien que la République a souvent cédé sur ces questions et quelquefois à l’initiative paradoxale de la gauche. Nous ne pouvons malheureusement supprimer d’un trait de plume les graves atteintes à la laïcité que sont, par exemple, les contrats d’association au service public d’enseignement (et, dans ce cas, je ne vois aucune bonne raison d’en exclure les établissements musulmans), ou aussi les participations publiques aux investissements de l’enseignement privé (avec certains excès portés par une décentralisation que nous souhaitons par ailleurs), ou encore la confiscation de certains secteurs de la formation par les intérêts patronaux, ou même l’omniprésence (tout aussi anti-laïque) d’un corporatisme syndical à l’école publique.

Tout cela est déjà assez regrettable, n’allons pas plus loin. La laïcité des radicaux n’est pas une pensée de combat anti-religieuse ; elle est au contraire la garantie de la liberté de conscience. Que la loi, qui est publique, respecte la foi, qui est privée. Mais que la foi ne prétende pas s’imposer à la loi ou la dicter.

J’ai dit que cette affaire était parfaitement illustrative de la méthode Chirac : sans idées. Il se rêve un jour en Jules Ferry un jour en Jean-Paul II ; sans projets, il se réfugie dans quelques grandes idées incontestables (contre l’hécatombe routière, le cancer du sein, l’enfance malheureuse ou le froid en hiver) et il aiguillonne son gouvernement au seul gré des sondages ou des caprices de ses communicants ; résolument à droite quand même, moins par conviction que par conservatisme, il n’oublie pas de multiplier les gages les plus démagogiques en direction de ce qu’il croit être son électorat ou celui de ses successeurs déjà innombrables.

Et c’est ce gouvernement de hue et de dia, de gesticulation médiatique consensuelle, de clins d’œil au Médef et, finalement, de mépris du peuple, qui constitue ce qu’on a appelé -pendant un temps déjà terminé- la méthode Raffarin.

M. Raffarin nous l’avait dit : la route est droite mais la pente est forte. Eh bien, nous le voyons : la route est à droite, quant à la pente il est en train de la dévaler à toute allure !

Veut-on des exemples de cette impuissance publique qui se donnait voilà peu pour une « nouvelle gouvernance » au nom de « la France d’en bas » ?
Le grand chantier de M. Raffarin était la décentralisation et nous aurions pu l’approuver.

Un an plus tard, la réforme est en panne car le Premier Ministre a cru devoir s’aliéner tous les enseignants de France pour imposer, par pur dogmatisme, quelques mesures accessoires tandis que M. Sarkozy, en jouant au cow-boy à deux jours du scrutin, faisait capoter le référendum corse qui aurait pu être le banc d’essai d’une décentralisation approfondie.

Un autre exemple ? Aura-t-on assez entendu la droite dire que la gauche ne s’était pas emparée du dossier des retraites, qu’il y fallait du courage, de la détermination, de l’innovation, bref qu’on allait voir ce qu’on allait voir.
Nous avons vu. Des propositions qui auraient pu être dictées par le patronat : plus de cotisations, plus d’années de travail, moins de pensions. Une méthode brutale, catégorique, pleine de certitudes techniques et totalement oublieuse de la concertation avec « la France d’en bas » ou la France tout simplement. Un résultat : tout le secteur scolaire paralysé, tous les fonctionnaires agressés (et l’on parle aujourd’hui de les noter au mérite comme chez Alstom ou Metaleurop) et une réformette dont chacun sait qu’elle ne règlera rien au-delà des prochaines échéances électorales.

Mais la courte vue politique c’est précisément la méthode Raffarin.

Pour autant, je ne crois pas que nous puissions nous contenter de dénoncer ces procédés. Il faudra bien un jour, rendre compte, dans la gestion du dossier des retraites de trois évolutions lourdes et pour l’essentiel souhaitables : la durée des études ne cesse de s’allonger, la durée du travail ne cesse de diminuer, et la durée de vie n’en finit pas d’augmenter. Avec ces paramètres qui déséquilibrent totalement un système conçu alors que l’équilibre entre les actifs et les inactifs était radicalement différent, il serait irresponsable de laisser croire aux Français -qui ne le croient pas- que rien ne va changer. Il serait tout aussi dangereux de s’en tenir à une pensée dogmatique désormais inopérante. J’insiste sur cet exemple pour montrer ce que pourrait être la contribution rationnelle des radicaux.

Demain, la vérité des retraites sera complexe et elle empruntera à plusieurs systèmes de pensée. Les retraites modernes seront composées

- d’un étage de sécurité qui devra être financé par l’impôt (idée sacrilège pour les syndicats qui s’appuient sur le triangle travail-cotisations-prestations pour légitimer leur propriété du système français de sécurité sociale)

- d’un étage de solidarité financé par la répartition universelle entre les âges et toutes les professions (idée insupportable à la droite qui voudrait démanteler tous les systèmes de solidarité collective)

- d’un étage de liberté financé par l’assurance qu’elle soit faite pour l’essentiel, d’épargne salariale ou, à la marge, d’assurance individuelle (idée intolérable pour la gauche qui croit ne plus devoir assurer le principe central de responsabilité)

Telle est la construction qui pourrait répondre aux défis de l’avenir. Elle est pragmatique, rationnelle et, j’en suis certain, efficace et, pour ces raisons, beaucoup plus difficile à exposer que les catéchismes de tous les sectarismes sociaux.

On pourrait multiplier les exemples de cette méthode étrange faite de contradictions, de grandes déclarations et de petites ficelles. On a vu, avec les intermittents du spectacle (quoi qu’on pense des modalités de leur réaction), où étaient les véritables ennemis du gouvernement : artistes, créateurs, animateurs, comédiens, tous assimilés à des truqueurs ou des fraudeurs quand le coût de leur régime de sécurité sociale n’atteint pas le dixième des pertes de Jean-Marie Messier ou du Crédit Lyonnais.

Avec les agriculteurs aussi, le gouvernement a multiplié les déclarations offensives : on ne toucherait pas à la politique agricole commune, messieurs Chirac et Raffarin y mettaient un point d’honneur. Ils ont reculé évidemment et ils se demandent aujourd’hui comment ils pourraient arroser de quelques subventions électorales les terres desséchées par la canicule.

C’est que le gouvernement a eu chaud, cet été. Je n’aurai pas la cruauté d’ironiser sur les drames humains et la terrible révélation par les grandes chaleurs de certaines solitudes urbaines ou de certaines défaillances familiales. Tout cela n’est bien sûr pas imputable à la droite mais le gouvernement aura montré, dans cette affaire, sa totale inefficacité et revendiqué sa propre irresponsabilité.

Plus de mille plans sociaux en France en une seule année, des licenciements sans précautions, une remontée irrésistible du chômage, c’est peut être là, plus que dans tous les autres dossiers, que se laisse voir le plus gravement la totale incompétence de ce gouvernement. Car l’idée reste tenace que la gauche serait faite pour le social et la solidarité tandis que la droite aurait le monopole de l’efficacité économique et gestionnaire. La réalité est bien plus simple : jamais l’économie française ne s’est portée aussi mal et tandis que les Français en subissent directement les conséquences sociales, les budgets publics en éprouvent douloureusement les effets financiers.

Car c’est bien dans l’affaire du déficit record et de ses retombées européennes que l’on voit au plus près la méthode Chirac-Raffarin entièrement faite de rodomontades et de reculades.

Ne pouvant plus accuser après un an et demi la gestion de la gauche, n’osant plus invoquer après deux ans les effets économiques du 11 septembre 2001, M. Raffarin met désormais en cause la conjoncture, conjoncture bien curieuse en ce qu’elle installerait sur la France seulement un micro-climat qu’on n’observerait pas ailleurs.

Si la croissance économique est faible c’est peut être par la faute des investissements qui ne semblent pas dopés par les cadeaux fiscaux du gouvernement de droite. C’est peut être aussi par le fait d’une demande anémique qui ne sera sans doute pas dopée par la rigueur à sens unique que M. Raffarin entend imposer à la France d’en bas.
Quoi qu’il en soit, la faiblesse de la croissance emporte évidemment des conséquences néfastes pour les recettes fiscales publiques. Qu’à cela ne tienne, sur ordre de M. Chirac, le gouvernement s’entête dans son programme de baisse de l’impôt sur le revenu, par une obstination purement dogmatique, même si chez M. Chirac le dogme et l’électoralisme ne font qu’un.

Hélas, la France n’a pas les moyens de cette politique et l’Europe le lui a rappelé sèchement. On ne peut profiter des avantages de la monnaie unique et s’affranchir de ses règles en affichant un déficit record, surtout lorsqu’on donne aussi volontiers la leçon à tous les pays européens et sur tous les sujets. Quoi qu’on pense du pacte de stabilité (-et les radicaux n’en pensent aucun bien dès lors qu’il n’est pas assorti d’une véritable politique économique, fiscale et budgétaire au plan européen, ni équilibré par un pacte de solidarité sociale-), il constitue une règle acceptée par la France et par M. Chirac lui-même.

D’ailleurs, cette contrainte est tellement forte qu’aussitôt après avoir fait, à bon compte populo-poujadiste, le bravache face aux « bureaux bruxellois » au risque d’alimenter le sentiment anti-européen de nos concitoyens, M. Raffarin fait immédiatement volte face en annonçant une série de mesures fiscales nouvelles sensées combler le trou. Il est au moins logique sur un point : il continue à baisser l’impôt direct juste parce que progressif et se rattrape sur la fiscalité indirecte injuste en ce qu’elle frappe d’abord les bas revenus.

Dans toute cette douloureuse affaire budgétaire, on ne voit plus très bien si M. Chirac est pro-européen ou anti-européen. C’est que même lui ne le sait pas. Il voudrait être Jean Monnet pour l’Histoire et Philippe de Villiers dans son terroir.

Et nous allons avoir une merveilleuse illustration de cette valse hésitation, de ce tango entre le fédéralisme et le souverainisme, avec le problème désormais posé de la procédure de ratification par la France de la future Constitution européenne.
A supposer que la Conférence inter-gouvernementale trouve un accord dans le cadre, aussi pauvre quant au fond que contraignant dans la forme, proposé (ou devrait-on dire imposé ?) par M. Giscard d’Estaing, il faudra ensuite que la France se prononce. Par le vote de ses parlementaires ? ou par la consultation directe de ses concitoyens ? Quelle est la doctrine de M. Chirac ? Il n’en a pas.

Les gaullistes, qui ont tant magnifié le referendum, n’en veulent pas pour cette fois car ils craignent que les Français…. répondent non. D’accord pour le plébiscite mais pas pour une véritable consultation. Les prétendus centristes ralliés à l’UMP et théoriquement fédéralistes européens n’en veulent pas non plus car l’affaire est, selon eux, trop importante pour être exposée aux aléas de la démocratie… Les centristes de l’UDF, plus européens encore s’il se peut, seraient favorables au referendum mais en espérant gêner l’UMP dont le président y est favorable aussi… Pas facile, la politique à droite.

N’allez pas croire -et je veux vous en parler aussi- qu’elle serait beaucoup plus facile à gauche.

On ne s’étonnera pas que nos amis communistes, renouant avec les vieux démons de leur vieille époque, exigent un referendum pour pouvoir dire non à l’Europe. Il en va de même pour J.P. Chevènement dont l’hostilité à l’Union européenne était l’axe vertébral de son ex-futur projet présidentiel.

Pour le Parti Socialiste, l’affaire paraît un peu moins simple. Comme dans ce jeu que les enfants appellent « la pierre, la feuille et les ciseaux », il ne faut pas sortir sa main trop tôt car chaque figure a des avantages et des inconvénients. Approuver une procédure parlementaire, c’est se laisser marginaliser par un vote sans surprises. Choisir la voie référendaire, c’est se condamner à faire campagne avec la droite du gouvernement contre les souverainistes de tout poil qui surferaient sur l’exaspération populaire. [Il est vrai que les grands meetings communs -comme lors du referendum sur Maastricht- tenus par Martine Aubry, François Bayrou et Alain Juppé ne risquent guère de convaincre l’ouvrier licencié, l’agriculteur désemparé, le chasseur frustré ou le postier déréglementé, des bienfaits de la construction européenne].

Il ne suffira pas cependant d’ironiser sur les difficultés des autres si je ne viens pas ici vous dire ce que pourrait être la position des radicaux qui ne se laisseront dicter leur doctrine européenne ni par leurs alliés ni par les circonstances électorales. Ma position tient en cinq points.

1° - Le parti radical de gauche est la seule formation politique française authentiquement fédéraliste. Il ne se dédira pas de ce choix constant qui nous a vus, dès l’origine, au soutien du mouvement d’intégration européenne. Nous sommes pour les Etats-Unis d’Europe.

2° - La réduction des marges de décision politique nationale, le besoin urgent d’une politique véritablement européenne en matière de fiscalité, de budget, d’action économique, de solidarité sociale, de sauvegarde environnementale, de diplomatie et de défense, l’absolue nécessité de grands services publics européens, tout nous amène à militer pour une construction européenne fédérale accélérée.

3° - Les radicaux ne peuvent évidemment pas se satisfaire du médiocre projet de Constitution qui affirme le caractère fondateur des règles de concurrence et de libre échange, qui maintient la complexité non-démocratique des institutions européennes et confirme la primauté des accords inter-gouvernementaux sur toute volonté européenne supra-nationale.

4° - Malgré toutes leurs réserves sur l’institution référendaire, ils estiment qu’en l’état de l’opinion et en raison de l’importance de l’enjeu, le projet de Constitution ne peut être soustrait au vote populaire direct et que la consultation devrait être organisée au jour des élections européennes pour leur restituer leur véritable dimension politique.

5° - Quant à notre position si un référendum est proposé, notre parti ne peut pas, à cet instant, se décider comme cela compte-tenu de l’importance de cette question et du débat qu’elle suscite dans le parti avec des avis assez partagés comme l’a montré, samedi après-midi, l’atelier sur l’Europe. C’est pourquoi, dans cette hypothèse, je convoquerai une Convention afin que le parti fixe sa ligne.

J’ai développé l’exemple européen pour démontrer que le désarroi visible de la gauche n’est pas constitué seulement d’une impasse stratégique, mais aussi d’une véritable panne idéologique et donc d’une incapacité actuelle à toute forme de rassemblement programmatique.

Chacun peut voir aujourd’hui que le gouvernement de la droite est désarmé par nos concitoyens et que le Président de la République a épuisé le crédit de sa miraculeuse réélection. Pour autant, les Français ne voient pas comment -ni surtout pourquoi- la gauche pourrait revenir au pouvoir.
Je n’insisterai pas sur la situation du parti communiste condamné à des danses de séduction devant le mouvement social alternatif et devant les gauchistes qui ne rêvent que de sa mort. Les écologistes, pour leur part, semblent avoir trouvé dans l’échec de la gauche plurielle des raisons de douter de toute culture de gouvernement et des motifs d’espérer dans d’improbables rassemblements où ne viennent même pas tous les écologistes. Après l’expérience de J.P Chevènement ses partisans désemparés se sont eux aussi divisés même si la gauche républicaine paraît disponible pour d’authentiques chantiers de reconstruction.
Mais la panne la plus manifeste et la plus grave est bien celle du parti socialiste. Elle est à la mesure de ses responsabilités dans notre échec commun. Regroupé autour d’un précaire cessez-le-feu entre ses multiples candidats aux présidentielles, le parti socialiste semble avoir pour objectif double de ne pas rompre cette trêve fragile et de ne pas se laisser soupçonner d’avoir quelques idées pour l’avenir. Et en effet, nul ne l’en soupçonne. Sur tous les grands dossiers de l’année passée, le parti socialiste n’a rien émis d’autre que des critiques contradictoires, voire des oppositions marginales, de la politique Chirac-Raffarin, le comble de l’autisme étant atteint avec les retraites.

On peut avoir, de l’extérieur, l’impression que notre grand partenaire, faute d’avoir voulu reconnaître que nous avions été battus pour n’avoir pas situé notre action assez résolument à gauche, se garde désormais avec constance de revenir à sa mission d’expression d’une politique alternative et de rassemblement de la gauche.
Je le dis tout net à nos amis socialistes : votre deuil politique est terminé. Il faut nous remettre en mouvement. Sur le rôle moderne de l’impôt, sur l’impératif de répartition équitable, sur la place des services publics, sur la décentralisation, sur la solidarité sociale chez nous, sur la solidarité internationale également, sur la construction européenne, la gauche a le devoir de proposer aux Français autre chose qu’une politique conservatrice et résignée, mais autre chose aussi que la nostalgie d’un bilan désavoué. Et si les socialistes n’ont rien à proposer au niveau national, nous irons leur apporter des idées à tous les niveaux locaux dans nos fédérations où je demande aux radicaux d’organiser d’ores et déjà des réunions de la gauche autour des thèmes de la rupture institutionnelle avec le VIè République, de la démocratisation européenne, avec un projet clairement fédéraliste, et de l’essentiel républicain, avec des forums de la laïcité.

J’avais proposé -et vous aviez proposé avec moi- au parti socialiste, après le travail de rénovation idéologique et de reconstruction programmatique, une méthode pour le rassemblement, une sorte de grand chantier de relégitimation de la gauche aux yeux du pays avec, à terme, une vaste construction confédérale surmontant nos différences, nos anciennes déceptions et nos faiblesses du moment. Nos amis socialistes n’ont pas saisi la perche que nous leur avions tendue. Leur incapacité actuelle au dialogue ne nous découragera pas de nos efforts. En particulier, nous ne nous laisserons pas arrêter par l’impérialisme retrouvé de socialistes qui, incapables de proposer un vaste rassemblement politique, prétendent à nouveau dicter nos futures alliances électorales. Nous leur avons proposé un grand parti de la Gauche ; ils se comportent comme s’ils l’avaient déjà réalisé, cependant, sans aucun de leurs alliés, définitivement tenus pour coupables de leurs désillusions récentes.
Là encore, je dis fermement non à nos amis. Revenus à l’humilité, revenus à la réalité, revenons ensemble à la vérité de rapports rééquilibrés. Et regardons les nouvelles formes qu’une opinion non satisfaite de la politique de la droite donne avec une force soudain accrue par l’expectative de la gauche traditionnelle à l’action sociale. Je sais qu’on peut condamner la spontanéité festive du mouvement associatif, déplorer l’absence de projet précis dans la mobilisation altermondialiste, redouter les terribles choix du pire que font régulièrement les groupes gauchistes dans l’affrontement droite-gauche. Je sais tout cela et je n’ai jamais été le dernier à émettre des mises en garde.
Mais quand on aura fait la critique systématique du nouveau mouvement qui se dessine autour des luttes pour une plus grande équité internationale et une politique sociale plus ambitieuse, on n’aura encore pas traité deux questions essentielles.

La première est d’ordre stratégique : si nous ne trouvons pas un cadre de dialogue approprié à ce phénomène nouveau et à son ampleur nous allons installer en surplomb de la gauche traditionnelle, les surenchères mortifères d’une ultra-gauche que rien ne rattachera plus à une perspective de travail commun en faveur de la justice et du progrès.

L’autre question nous est adressée directement par les citoyens spontanément regroupés ; elle concerne la philosophie de l’action politique : comment ne voyons-nous pas que le succès public des nouveaux mouvements associatifs et syndicaux ou même des groupes gauchistes vient de notre résignation, de notre incapacité à faire lever des générations militantes autour de grands mythes politiques, autour de rêves flamboyants, autour de constructions peu ou prou utopiques refusant la fatalité d’un ordre injuste du monde. Même si nous n’allons pas travailler avec ces nouveaux mouvements sachons au moins leur reconnaître et, s’il le faut leur emprunter cette idée toute simple que la politique n’a pas de sens si elle n’est pas tendue vers le rêve d’un monde meilleur.

C’est certainement là, mes amis, la vocation des radicaux pour la période tout à fait nouvelle qui s’ouvre devant nous.

Qui croit donc que le radicalisme, parti de la raison, devrait agir sans passion et se montrer trop raisonnable simplement parce qu’il est rationnel ?

Qui pense donc que la République serait trop vieille et trop fatiguée pour ne pas aller à la rencontrer des citoyens qui lui adressent un message d’espérance aussi riche que désordonné ?

Qui ne voit que, s’il s’agit de donner des formes nouvelles à la gauche, les radicaux, appuyés à la plus grande tradition républicaine, ont une mission particulière, celle de dire la permanence de nos valeurs fondatrices ? Qui a peur d’aller confronter des idées sûres, solides, éprouvées, au bouillonnement du désir de justice et à l’effervescence sociale ?

Oui, mes amis, nous avons beaucoup de travail et nous portons devant la République une espérance particulière.

Vous avez encore montré, pendant ces trois journées, votre parfaite disponibilité au service du bien public, au service d’une conception élevée de la politique.

Demain encore la République et la France pourront compter sur les radicaux.

Je vous demande ardemment de ne pas désespérer de la gauche. Elle a besoin de vous.

Le chemin est long, de la reconstruction, de la rénovation, de la réhabilitation du rêve. Nous avons un devoir immense envers ce pays, envers nos concitoyens : nous sommes dépositaires de l’idée claire et simple que notre humanité se mesure à la force de notre volonté insurgée contre le cours des choses.

Il n’y a rien d’inéluctable dans les violences d’un monde soumis à l’économie et à la technique. Dressez-vous contre l’injustice, contre le cynisme politique, contre le terrible désordre du monde. Dressez-vous avec un seul drapeau : celui de la République. En avant les Radicaux !
 
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