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 PRG : Christiane TAUBIRA, Interview à E1789.com
        Posted by benoit on 6/5/2003 17:17:34 (575 reads)
Nous venons de vivre le premier anniversaire du 21 avril. Quelle est votre analyse sur ce qui s'est passé ce jour-là ?

La politique, c'est la vie. Ce n'est pas que la logique et l'argument. Aussi, je retiens du 21 avril 2002 un sentiment, des sensations, une impression et un raisonnement entremêlés que je ne veux pas dissocier. Le sentiment ? Le monde qui s'effondre. Les sensations ? Des fourmillements, comme si mon corps lui-même protestait devant notre impuissance commune à endiguer un tel péril. L'impression ? L'eau tombée au sol ne se ramasse pas. La tâche sur l'image de la France m'a semblée plus grave que le risque réel d'accès au pouvoir par ces ennemis de la démocratie. La France est, dans l'imaginaire universel, la patrie des droits de l'homme. Elle est une lueur éternelle d'espoir pour des millions d'opprimés dans le monde. Même si cette réputation est surfaite par périodes et par endroits, elle demeure indispensable au monde. Cette image fut écornée ce soir-là. J'en éprouve encore de l'amertume. Le raisonnement ? Qu'après une législature où nous avions tellement mouillé nos chemises, où nous avions bataillé avec un tel acharnement contre les inégalités, cumuler à peine 30% des suffrages entre tous les candidats de gauche, cela prouvait que nous avions quelque chose de faux, de substantiellement faux. Il y avait urgence à saisir en profondeur quoi et pourquoi.

Pensez-vous que les mentalités ont changé depuis, tant chez les citoyens que les politiques ?

Je crains bien que non. Les citoyens choqués, offensés, indignés et humiliés par ce résultat inconcevable, ont trouvé une rédemption immédiate dans la protestation spontanée. J'en étais. J'ai marché dans la nuit du 21 avril, j'ai continué à battre le pavé pendant les quinze jours qui ont suivi, à débattre, à conjurer cette déveine, à sillonner les marchés, à convaincre les électeurs que seul un vote républicain massif permettrait d'exproprier le bénéficiaire des suffrages obtenus, de le contraindre à s'extraire des choix partisans et à respecter le message politique. Nous étions nombreux et résolus, les électeurs étaient réceptifs et déterminés. Pourtant, l'abstention aux législatives fut pratiquement équivalente ! Quant aux Politiques, ils se comportent hélas comme des politiciens. Chamailleries, langue de bois, étendard en berne, le menu habituel, quoi. J'avoue que je suis injuste. Ca, c'est ce qui se donne à voir. L'essentiel est derrière : c'est le désarroi de la plupart des Elus. Car il manque une lecture claire de ce qui s'est passé. Même les livres écrits depuis par des Elus chevronnés n'explicitent pas, n'élucident pas. Ils pullulent d'anecdotes, foisonnent d'états d'âme mais ne fournissent aucune clé. Ils ne donnent ni à lire, ni à comprendre, ni à dépasser.

Nous ne nous sommes pas encore appropriés cet échec. Pour chacun, c'est l'échec ou la faute de l'autre. Et de préférence, du voisin ou du cousin, du copain, de l'ancien partenaire. Nous ne pourrons pas faire le deuil de cet échec tant que nous ne l'aurons pas habité. Et cela n'est ni affaire d'ego, ni affaire de chapelle. Se joue là la capacité de la Gauche française à féconder ce siècle. Il nous reste à comprendre pourquoi la désaffection civique est si grande et durable, à entendre et voir le désenchantement de ceux-là mêmes dont nous voulons changer la vie, à investir les nouveaux champs d'inégalités, à forger de nouveaux instruments d'action publique, à construire le discours susceptible d'éclairer et de guider notre action sur le respect de la diversité culturelle et des identités, sur la cohésion sociale malgré les disparités de territoires, sur la solidarité par la fiscalité et par les services publics, sur les Institutions à rénover, sur l'Europe à renforcer, sur le monde à corriger. Sur ces terrains-là, nous sommes encore très faibles.

J'en parle d'autant plus aisément que ces deux dernières années, j'étais souvent en querelle avec ma majorité politique au point de refuser de voter certains textes. J'ai pourtant pleinement assumé et défendu cette législature, d'une part parce que l'un dans l'autre, elle fut belle et généreuse, et d'autre part parce que je tiens la loyauté pour une vertu cardinale.

Quant aux vainqueurs de circonstance, ils sont tellement prévisibles dans leurs actes et dans leurs choix qu'ils contribuent largement à la morosité ambiante et seule notre propre incurie leur rend l'ouvre facile.

Et vous, avez-vous changé votre vision de la politique ? Votre comportement s'en est-il trouvé modifié ?

Non, au contraire. Je suis de plus en plus sûre que la Politique ne doit pas nous éloigner, mais au contraire nous rapprocher des gens, que nous devons garder la fierté de nos valeurs, de nos convictions, de nos projets, les expliquer et les défendre, que pour éviter de perdre pied, il faut garder le contact avec la réalité quotidienne des personnes les plus exposées, mais aussi de celles qui remportent des victoires sur l'adversité, le désordre, le désespoir. L'exercice de la responsabilité politique doit devenir plus accessible aux femmes, aux jeunes, à tous ceux qui, issus de tous les milieux sociaux et culturels sont prêts à mettre leurs talents au service de tous. Pour cela, le nombre et la durée des mandats électifs doivent être rigoureusement limités.

Vous êtes la présidente de l'Eventail. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que cela représente?

L'Eventail est une Association créée pour répondre à la demande des nombreuses personnes qui se sont spontanément mobilisées pour les élections présidentielles, qui ont eu envie de continuer à marcher ensemble, qui ont ressenti comme une urgence impérieuse de labourer en profondeur pour expurger les purulences semées par les intolérants. A l'Eventail, nous sommes constructifs et optimistes. Nous ne sommes pas sur la défensive. C'est nous qui fixons notre cap. Nous aimons la diversité car nous la savons fertile au dialogue et conforme au monde, nous pratiquons l'altérité car nous sommes curieux et hospitaliers de ce qui peut nous venir de la complexité du monde, nous sommes attachés à la solidarité car nous sommes persuadés que l'égoïsme n'est pas un idéal, que l'injustice n'est pas une fatalité et que l'avenir ne se construit pas sans luttes. Nous avons participé à diverses manifestations politiques et culturelles, nous avons lancé une opération pour la réparation symbolique et solennelle du tribut à l'Indépendance exigé de la jeune République d'Haïti par la monarchie française, nous préparons une Caravane qui va densifier le tour de France que j'ai recommencé depuis octobre 2002 en tant qu'ancienne candidate du PRG aux présidentielles.

La gauche est en pleine période de reconstruction, avec notamment la préparation du Congrès de Dijon. Où se situe le PRG dans ce contexte ?

Le PRG refuse l'engloutissement dans des chapelles en sclérose. Préoccupés par l'atonie de la Gauche, nous avons fait la proposition de rompre avec les habitudes conformistes et conservatrices et de nous inviter au Congrès d'un parti frère. Nous comptons y poser les questions de nos rapports au sein de la Gauche, des valeurs qui fondent nos identités mais doivent désormais cimenter nos solidarités, de la route étroite qu'il nous faudra emprunter, à peine de trahir ceux que la vie malmène ou neutralise, que les règles sociales pénalisent. C'est d'une belle hardiesse, comme j'aime en politique. Mais c'est surtout d'une grande nécessité, vu les périls qui nous guettent. Il nous faut veiller à conserver à cet acte toute sa force novatrice, tout son potentiel tout son pouvoir mobilisateur. Et refuser qu'il perde les aspérités de son originalité. Ce geste est brutal. Il doit le demeurer. Sinon, il cessera d'être salutaire.

Quelles sont vos prochaines initiatives politiques ?

Sur le plan parlementaire, lutter pied à pied contre la démolition de nos belles lois sociales et sur tous ces textes qui creusent les inégalités. Sur le plan politique, agir, pour ceux qui en ont les moyens, c'est-à-dire les Elus. Participer aux débats de fond, partout, dans les associations, les universités, les entreprises, les quartiers. Poursuivre nos formations, parcourir sans cesse le territoire, demeurer l'oeil vif et le pied ferme et préparer notre retour aux responsabilités.

Pensez-vous que l'Internet puisse être le nouvel outil pour un vrai débat démocratique ?

La démocratie suppose justement la pluralité. Internet est un moyen fabuleux. Il ne peut être "le" nouvel outil. Il faut garder place aux réunions, aux journaux, aux manifestations. Par contre, il faut parvenir à s'en servir pour rapprocher les citoyens du monde. Pas de renoncement à soi, à sa culture, à son histoire, à ses enjeux nationaux, mais une meilleure connaissance mutuelle, des valeurs partagées, des actions communes.

Est-ce un outil que vous utilisez dans votre démarche politique ?

Oui, pour informer et pour m'informer. Je n'ai malheureusement pas le temps de participer à des forums ou des chats, sauf débat programmé.

(Si oui) Que cela vous apporte-t-il de plus q'un débat démocratique plus classique ?

Je ne ferai pas de démagogie. J'avoue que j'aime trop le contact, charnel, physique, la rencontre, la confrontation pour prétendre que l'échange par machine interposée me paraisse supérieur. Internet est une merveille pour amplifier et démultiplier les échanges, et surtout pour impliquer davantage de personnes dans le débat démocratique. Il permet de nourrir la démocratie directe par l'expression en attendant qu'elle contribue à l'action. Mais je souhaite qu'il serve à préparer les rencontres, pas qu'il les supprime et les remplace. Rien ne vaudra jamais mieux que l'échange en un même lieu et en un même moment pour renforcer le sentiment d'appartenance et le désir de bâtir un destin commun. Et j'aime le son de la voix en direct, j'aime les regards, les sourires, les refus, les coups de gueule, les accolades, les poignées de mains, les embrassades, j'aime les bruits et les mouvements de la vie. Pour cela, il faut sortir de chez soi.

www.e1789.com
 
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